La nuit était sombre et un peu fraîche pour la saison. Personne ne cherchait à rester bien longtemps le nez dehors, de peur d'attraper un petit rhume. Heureusement que les cafés et autres établissements du genre se trouvaient dans les parages. C'étaient idéal pour les gérants d'avoir une clientèle avide de chercher la bonne chaleur intérieure... pour ceux qui en avaient réellement besoin.

Mine de rien, le corps humain était fragile. Toute la chair se trouvait exposée au moindre soucis naturel... Ou à l'agression même de la nature. L'être humain se croyait invisible, avant de comprendre le moment venu qu'il n'était qu'une pièce élémentaire dans la chaîne alimentaire. Il n'était qu'un morceau du puzzle du grand jeu de la vie. Mais cela inviteraient bien des réflexions philosophiques dans cette trame, car ce n'est point le noeud névralgique de l'affaire... Adossé dans un recoin plus sombre que la nuit même, un vampire tirait sereinement sur sa cigarette. Il commençait à avoir faim et il n'avait guère envie de mettre les pieds dans les commerces locaux. Il avait bien assez à faire comme cela. Il ne voulait surtout pas perdre son temps avec des hommes ou femmes humains en manque de se faire mordre rien que pour le plaisir.... Face à ce problème, Reinhart ne pouvait pas y couper de toute façon.... Il devair songer à prendre une esclave pour subvenir à cette première nécessité. Ce n'était pas faute pourtant d'avoir en tête que les humains n'étaient que du bétail. Bah au pire, il mordrait un peu et pas trop longtemps, cela devrait suffire pour passer la nuit sans avoir la main qui tremble.

Il avait connu cette drôle d'impression à son Eveil. La faim du sang avait été la seule force de ses pensées cette nuit là. Depuis, il veillait à ne pas se retrouver à sec, poru ne pas avoir à subir le commandement de ses instincts les plus primaires... Même si cela pouvait être amusant. Il était peut-être un vampire, mais il n'était pas une bête.

Il jeta son mégot et l'écrasa sur le bitume du trottoir. avec de la chance, il pourrait se mettre un bon sang sucré sur la langue....

La répétition avait été rude. Sébastien quittait l’orchestre pour tenter un nouveau départ en Italie. Si un violon ne manquerait pas tellement parmi le pupitre déjà gonflé, sa bonne humeur elle, s’était faite indispensable à la petite troupe. Ainsi en cette soirée, il fêtait son départ. Le gros de l’orchestre s’était déjà enfui lorsque les vingt deux heures sonnèrent mais Anke et Marjorie avaient insisté pour profiter encore un peu de lui. L’homme se leva pour aller fumer une cigarette dehors et fit comprendre qu’il avait besoin de prendre un peu l’air après qu’une montée de larmes lui était venue. Les deux jeunes femmes n’insistèrent pas, l’accompagnant d’un tendre sourire. Pourtant Marjorie fixait fermement son amie.

-Il a dit qu’il voulait être seul !

-Oui mais il est tard…

-C’est un grand garçon…

-Imagine seulement qu’il lui arrive quelque chose tu ne t’en voudrais pas ?

Anke braqua un regard noir sur son acolyte avant de se lever sans se faire davantage prier. Elle proposa à la flutiste de la suivre mais celle-ci grimaça à l’idée de se mettre au froid. La jolie brune sortit donc seule pour retrouver le violoniste un peu égaré, pensif contre un pan de mur du café. Il leva les yeux sur sa connaissance et lui accorda un petit sourire accueillant bien que gêné.

-Tu n’as jamais eu envie de tout recommencer toi ? De partir loin ?

Anke leva les sourcils, affichant clairement son étonnement face à la direction que prenait la conversation.

-Et bien… C’est ici mon nouveau départ en quelque sorte.

-Oui tu es allemande c’est ça ? Tu as encore l’accent parfois mais il est léger.

La vampire se tendit légèrement. Si elle avait voulu cacher ses origines elle aurait changé de nom et aurait masqué à merveille son accent mais c’était le temps… oui le temps loin de sa patrie natale qui lui avait coloré les mots d’autres horizons.

-Oui.. Mais je suis partie… il y a longtemps. Jeune je veux dire.

L’homme resta pensif sans noter la légère précision qu’elle fit. Il ne pensait qu’à lui et à son problème actuel, une femme qui portait son enfant et qui vivait si loin de lui… Il proposa une cigarette à la violoncelliste mais celle-ci déclina la proposition tout en l’encourageant du regard à exprimer ses doutes.

-Mais toi tu ferais quoi.. ? Si tu étais enceinte ?

Anke fit un petit pas en arrière en s’efforçant de ne pas sourire pour ne pas trahir sa nature à cause de deux canines trop pointues.

-Non merci… Je ne veux même pas y penser.

Il déblatéra un peu plus de son histoire mais remarqua que son paquet était vide. Anke lui fit signe de rentrer mais celui-ci préféra s’approcher d’un homme qui venait d’écraser une cigarette au sol. Elle aurait du l’attraper par la manche mais c’était trop tard… il lui demandait déjà de quoi le dépanner.

Que la chance lui souriait. Il n'avait pas eu besoin d'attendre bien longtemps. Des éclats de voix précisèrent à l'ex-officier la présence de deux personnes... et qui venaient dans sa direction. Deux. Il aurait de quoi se régaler un peu, voir de s'amuser un peu. Dans le groupe qui n'étaient pas encore visible, il sut qu'une femme était dans le lot. Peut-être même que la soirée pourrait s'avérer encore plus amusante et drôle. Pleines d'idées vinrent se percuter dans son esprit, tellement elles étaient nombreuses. Mais une seule devrait suffire.

Allez... Au lieu de mordre dans le cou de deux personnes, comme il y songeait au début, il mordait dans celui de l'homme pour se prendre un dessert la fille. Il pourrait convaincre le second lot de passer une nuit chaleureuse en sa compagnie, en contre-partie de point recevoir de morsure. Oui car après tout, il fallait bien qu'un vampire se détende lui aussi... Et de plus Reinhart n'avait pas eu de compagnie féminine... Depuis des mois ?

Sa cigarette s'écrasa sur le bitume et le groupe fut en vue, plus proche qu'il ne l'aurait cru. L'homme vient même à lui pour lui demander une cigarette. Il fit un tout petit sourire.

"Certainement... Juste un instant, le temps que je cherche..."

Il étudia en même temps la jeune femme. La petite était pas mal.... Elle avait quelque chose qui attirait... Son regard sans doute... Etrange, il avait eu une autre impression. Bah, le début de la faim sans doute. Il finit par sortir son paquet et le présenta à l'homme.

"Tenez servez-vous. Votre amie en voudrait sans doute une aussi... Dites moi, vous êtes nouveaux dans le coin ? Je ne vous ai encore jamais croisé dans ce quartier, pourtant, j'y suis souvent..."

Doux mensonge.

C’était la pénombre ou le manque de prudence peut-être ? Sébastien ne semblait pas avoir remarqué la nature de l’inconnu car il s’exprimait sans retenue ni méfiance. Anke avait légèrement baissé la tête, comme pour se faire discrète. Elle ne voulait pas que la conversation dégénère, elle n’avait vraiment pas envie que Sébastien réalise ce qu’elle était. S’il l’apprenait de toute façon… elle devrait s’en débarrasser. Il était hors de question qu’il glisse un jour dans une lettre depuis un autre pays qu’il en avait appris de bien bonne sur la violoncelliste à un de ses contacts parisiens… Elle détestait cette éventualité. Nombre d’humains se sentaient trahis lorsqu’ils imaginaient que les vampires puissent se glisser parmi eux sans qu’ils ne le devinent et elle connaissait l’opinion de certains de ses "proches". Non vraiment, il ne valait mieux pas qu’il l’apprenne. Marjorie lui en voudrait sauf si… elle n’en savait rien.

-Oh merci ! Je n’avais qu’un reste de paquet pour le début de soirée et j’ai eu beau essayé de me retenir.. J’étais avec des amis parce que je quitte la ville et.. bref, c’est pas facile de dire aurevoir à tout le monde. Non, elle en fume pas, répondit-il à la proposition concernant la femme.

Anke se crispa légèrement alors que l’homme allumait la cigarette. Sébastien se faisait bavard, il annonçait au vampire qu’il pourrait le tuer sans que personne ne le réclame ? "Dire au revoir" à tout le monde… quelle ironique évocation pour un vampire. Elle se décida à intervenir pour que l’autre ne jubile pas trop vite.

-On ne va peut-être pas déranger Monsieur.. Laisse-le fumer sa clope tranquille. Dépêche toi, Marjorie nous attend, faudrait pas qu’elle s’inquiète en plus.. je commence à me peler…

Elle mima de se frotter les bras, quel homme obligerait une femme à attraper mal ?

-Héé oui.. c’est vrai que j’me fais bavard. Désolé mec. Enfin si tu veux tu peux te joindre à notre table.

Anke releva les yeux sur le vampire. Il n’était pas question qu’elle lui montre qui elle était mais il devait savoir qu’elle avait compris qu’il était un immortel.

-Monsieur a peut-être d’autres ambitions pour la soirée… Si tu vois ce que je veux dire… On va pas vous retenir… Faites comme si on n’était pas passé…

Anke avait fait quelques pas en arrière et Sébastien l’avait suivie sans s’en rendre compte cela obligea le vampire un faire un pas dans le rayon d’un réverbère, dévoilant plus clairement ses traits d’opale. Sébastien en fut surpris mais pas effrayé et contre toute attente il s’adressa à la femme sur un ton un peu sec.

-C’est à cause de ces façons de faire qu’il y a cette guéguerre stupide. Faut arrêter de penser que les vampires ne sont pas civilisés. Je ne trouve pas ça correct de dévaler en courant..

Anke ne sut quoi répondre. Il était inconscient.

-Moi c’est Sébastien et elle c’est Anke.. et j’insiste pour t’inviter à boire un verre à l’intérieur. Mes amies n’ont pas l’habitude.. faut pas leur en vouloir.

Il lui avait tendu la main. Quel idiot.. il voulait s’en faire un ami ?

Il aurait pu maudire cette maladresse. Se dévoiler ainsi, quel manque de discrétion. Mais il avait de la chance. Le dénommé Sébastien, après s'être remis de la découverte de la véritable nature de Reinhart, semblait ravi de montrer à son amie un peu tendue que les vampires étaient guère des monstres... Reinhart se retint de glousser. S'il savait la moitié de ce qu'il savait, l'humain aurait préféré passer son chemin. La nommée Anke ne semblait en tout cas apprécier sa présence. Il percevait quelque chose chez elle qui le perturbait un peu. Il n'arrivait pas encore à mettre le doigt dessus. En tout cas, il sourit à Sébastien et lui prit la main, pour lui rendre ce signe d'amitié classique.

"Je ne peux refuser alors cette invitation, je ne voudrai pas me montrer désagréable. Etpour rassurer votre gente dame, vous ne me dérangiez point. Je me contentais d'attendre que le temps passe"

Ahah la bonne blague pour un vampire... Il décida de se présenter à son tour.

"Et moi c'est Reinhart. Rein si vous le souhaitez pour des facilités de prononciations. Enchanté. "

Après avoir rendu une bonne poigne de main à Sébastien, ilfit presque une simple courbettre devant la jeune demoiselle.

"Et enchantée également. "

Un sourire naquit sur ses lèvres un peu blêmes. Après tout, il pourrait laisser Sébastien, qui se trouvait être un humain poli comme il les aimait pour se contenter d'Anke. Son parfum lui assurait un goût étrange et il avait hâte d'y tremper une canine. Mais pas de précipitation. Il allait avoir l'occasion de boireun verre, ce sera meilleur que le sang en lui même. A bien y regarder, il n'avait pas si faim que cela. Bah, il mordrait un peu dans l'un des deux, pour juste satisfaire son petit appétit. Là la soirée commençait bien... Très bien. Finalement, il se décida... Sa proie serait bientôt sienne ! Une proie pour le sang... Et une autre pour la fin de soirée !

Le vampire avait ce profil si froid qu’Anke connaissait bien. Il les regardait sans cacher qu’il était un prédateur et un prédateur dangereux. Sébastien était peut-être plus fort qu’elle ne le crut car il aurait du se rétracter pourtant, il n’en fit rien. Est-ce qu’il avait un honneur à garder en présence de la femme qu’il était ? Pour répondre à l’invitation amicale, l’allemand répondit avec courtoisie tout en vouvoyant ses nouvelles connaissances. C’était infime, c’était peu significatif pour un mortel mais Anke savait qu’il tissait lentement les toiles de sa domination. Il ne s’en rendait pas même compte probablement mais il émanait de lui cette supériorité propre aux vampires qui croient que tout est déjà résolu. Il attendait que le temps passe.. Sébastien émit un petit rire amusé à cette réplique comme si c’était tout a fait naturel. Le vampire attrapa la main de l’humain en se présentant ; Anke baissa la tête pour qu’il ne sente pas qu’il l’exaspérait déjà.

Reinhart.. Elle en avait connu des Reinhart. Le premier et probablement le plus sympathique était un gros lard moustachu qui frappait sa femme quant aux autres… Ils avaient des uniformes trop impeccables pour être un jour oubliés. Anke se décida enfin à le regarder alors qu’il lui faisait une petite courbette presque élégante. Elle ne pouvait pas condamner tous les allemands, peut-être qu’il n’était pas de ce temps-ci et peut-être avait-il été trompé comme elle avait pu l’être. Néanmoins cette option ne lui offrit pas beaucoup de compassion à son égard et elle ne prendrait pas de pincettes. Il était vampire, jouait ouvertement le jeu de Sébastien et risquait de la démasquer devant ses récurrentes fréquentations.

Anke laissa Sébastien suivi du vampire ouvrir la marche. Elle sentait son regard intrigué légèrement brillant, il finirait décapité. A l’intérieur, Marjorie leur fit signe et présenta trois verres qu’elle venait de commander. L’humaine tendit une main audacieuse à Reinhart pour se présenter avec un grand sourire. La mine close d’Anke l’inquiéta mais elle s’efforça de ne rien dévoiler devant le nouveau convive.

-C’est allemand comme prénom non ? Anke est allemande aussi.

Elle releva les yeux sur l’humain qu’elle eut envie de tuer dans la seconde avant de détourner son visage sur le vampire. Il la toisait mais elle ne baissa pas les yeux.

-Je n’ai pas beaucoup de souvenir c’était il y a longtemps. Et puis je doute que ton nouvel ami ait vraiment envie de savoir quel point commun nous avons en commun…

-Anke…

Marjorie tentait de canaliser son amie qu’elle commençait à craindre. La vampire tourna la tête vers la flutiste avant de baisser les yeux sur son verre et d’en boire quelques gorgées.

-Faut pas trop lui en..

-Si! Qu’il m’en veuille je m’en fiche. Il n’est pas le bienvenu et il le sait.

Les deux humains avaient fermés leur clapet et la peur commençait à vibrer dans leur veine. La violoncelliste le regretta car ce doux parfum n’allait rien arranger. Sébastien avait beau croire en la bonté de la nature vampirique, il n’était pas stupide et ne doutait pas qu’un immortel énervé puisse avoir envie de les dévorer.

-Anke.. tu veux que je te ramène ?

Le ton de l’homme n’était pas trop apeuré et ce fut une bonne idée qui ne l’avait pas encore effleurée. Elle commençait à avoir faim, ce vampire l’énervait… Il la suivrait sans nul doute du moins, elle le garderait d’un œil s’il restait en compagnie de ces deux humains…

-Non reste avec Marjorie, j’ai mal à la tête. Je suis à côté.

Elle se leva sans un sourire pour le vampire avant d’afficher un minoi un peu plus agréable à son ami qu’elle embrassa plusieurs fois. C’était un aurevoir pour ne pas dire un adieu et elle regretta qu’un intrus en soit témoin.

-Tu prendras soin de toi… N’hésites pas à nous écrire.

Après quelques mots et confidences, elle fit un petit signe à la table et se dirigea vers la sortie.

Pas une seule fois l'Allemand avait détourné les yeux. Pourquoi l'aurait-il fait ? C'était un battant, un vainqueur, il ne fuyait pas du regard quand une difficulté se présentait à lui. Moins encore quand il s'agissait d'un brin de femme caractérielle à souhait, envoûtante soit-elle. Et de plus, Reinhart commençait à se demander si elle était vraiment humaine...

La petite scène de colère fut amusante et navrante à la fois. Cela paraissait tellement faux. Lui pas la bienvenue ? C'était risible. Elle était la seule à ne pas apprécier sa présence, comme si d'être un vampire en face d'elle était pire qu'une insulte. Une gêne ? Un trouble ? Il en souriait presque. En tout cas, ses amis semblaient désolé de ce qui se passait, redoutant presque par la peur qu'ils émettaient si savoureusement que Reinhart allait mal le prendre. Au moins, durant la petite scène de ménage, avait-il appris qu'elle était Allemande... Du moins il s'en doutait un peu par le nom. Voilà qui se montrait intéressant. Encore plus même. Il n'avait pas vu de consoeurs de sa patrie depuis bien longtemps. Et une fois qu'Anke annonça son départ et fit ses petits au revoir à la française, il la suivit du regard. Puis il entama la conversation avec ses deux agréables hôtes.

"Ne vous inquiétez pas, j'ai l'habitude. Après tout, ce n'est pas la première fois que j'aurai affaire à des personnes effrayées. Ce n'est pas faute pour ma part de me montrer agréable. "

Il soupira.

"Mais que voulez-vous. Le monde actuel est ainsi fait. Il faut vivre dans les tensions du moment. Peut-être qu'un jour, cela sera fini. Je serai sans doute plus là pour le voir..."

Pourtant c'était un immortel ; il mettait le doigts que cela pourrait encore prendre bien des décennies, voir un siècle ou deux... Puis il sentit plus en profondeur l'odeur résiduelle de la jeune femme, qui venait à peine de partir... Elle n'était pas humaine. Il en était certain maintenant. Ah la maligne. Elle ne voulait pas perdre sa couverture envers ses amis. Elle voulait rester une "humaine" à leurs yeux... Pitoyable.

"Cela fait longtemps que vous connaissez Anke ? "

Dehors, elle s’adossa un instant contre le mur. Est-ce qu’il allait la suivre ? Une part d’elle voulait qu’il ne s’approche pas mais l’autre ne tolèrerait pas qu’il bave sur ses amis, renonçant à l’exitante promesse d’une femme esseulée et insolante. Peu de vampire appréciait cela et souvent cela les attisait assez pour qu’il tombe.. dans le panneau.
A l’intérieur, Reinhart se montra presque grand seigneur préférant rassurer ses hôtes qu’il ne prenait pas l’affront au sérieux. Marjorie baissa un instant la tête comme s’il lui était impensable qu’il n’ait pu reconnaître une des siennes avant de relever les yeux sur lui et de les détourner pour préférer l’humain attablé.

-Ce n’est pas toujours évident certes…

Le vampire avait renchéri sur la situation actuelle de la cohabitation et Sébastien rebondit dessus comme s’il ne voyait pas la tentative de l’homme pour relancer l’ambiance et éloigner l’ombre de la table.

-Oui c’est navrant ces comportements ! Franchement j’adore Anke mais.. Marjorie… toi-même tu sais elle est parfois … Grrr.. Il mima le geste d’un homme en train d’étrangler quelqu’un tout en se mettant à rire.

La flutiste répondit en un petit sourire forcé. Elle savait mieux que quiconque que son amie était plus que bien placé pour avoir des aprioris sur ses semblables. Le vampire poursuivit en s’intéressant davantage à elle. Il ne voulait sans nul doute pas être vexant et partager trop vite le point de vue du violoniste…

-Longtemps non… mais ça commence à faire un ptit bout de temps. Je dirai que ça fait presque un an qu’elle a rejoint l’orchestre.. Non ?

Marjorie approuva d’un signe de tête tout en se mordant la lèvre inférieure.

-Mais c’est Marjo qui pourra t’en dire plus sur elle, c’est sa colloc.
La jeune femme se redressa soudain très mal à l’aise à l’évocation de sa demeure. Il n’y avait pas là de détail particulièrement croustillant mais au fond d’elle, elle craignait qu’il y voit une quelconque invitation.

-On préfère vivre ensemble que chacune dans notre coin oui c’est vrai.

Est-ce qu’elle essayait de se justifier ? Elle regarda par delà la vitre du bar mais n’y remarqua rien d’autre que la nuit. Anke ne devait pas être loin, Anke ne l’aurait pas laissé ici avec un vampire qu’elle ne connaissait pas.

Dehors, la vampire rageait… Le bougre ne semblait pas vouloir la suivre et elle le voyait prendre ses aises alors qu’il grignotait lentement l’espace vital des deux humains. Elle lut sans mal l’inquiétude naissante sur les traits de Marjorie lui aussi, il fallait s’en douter trouverait cela très séduisant.

-Et donc.. Vous faites quoi dans la vie ? Ou dans la mort… je ne sais pas trop comment vous pouvez dire ça… Vous êtes un abonné de la banque de sang?

Elle l’avait vouvoyé sans s’en rendre compte.. mais c’était normal puisqu’elle le craignait et qu’elle gageait ainsi de garder un peu de distance. Elle regretta un instant sa question. S'il lui répondait qu'il préférait chasser comme son amie, comment devrait-elle réagir?

Anke les bras croisés, réfléchissait à la meilleure façon d’opérer… Il finirait bien par partir, elle voulait juste s’assurer qu’il ne les désire pas pour cette nuit.

Dunkel sentait que que la petite vampire vexée n'était pas bien loin. Sans doute voulait-elle garder un oeil sur sa petite réserve, pour marquer sa propriété sur eux. Après tout, elle ne semblait pas s'être dévoilée comme une vampire. Même lui au début avait été floué par son odeur "humaine", avant qu'il ne sente qui elle était vraiment. Elle devait s'amuser à rester normal aux yeux de ses amis. On se demande bien pourquoi. Avait-elle honte de ce qu'elle était devenu ? Il y avait de quoi être perplexe. Mais l'ex-officier pouvait un peu comprendre ce ressenti. Lui-même s'écoeurait lui-même par moment, mais c'était lors de petites dépressions. Mais bon, ce n'était pas le sujet du soir hein.

Il percevait la crainte de la jeune femme. Être en présence d'un vampire ne la rassurait pas, pourtant, elle était pas seul. L'humain mâle semblait bien plus à l'aise, puisqu'il mettait une note d'humour sur l'attitude revêche d'Anke. Lui-même en avait ri avant de rajouter ceci :

"Certaines femmes sont sulfureuses comme certains volcans. Puissants et imprévisibles. "

Il avait envie de sortir une cigarette, mais se retint. Un minimum de politesse était pas mal pour laisser une impression de savoir-vivre à ces humains. Il nota avec attention qu'Anke devait être musicienne, puisqu'il était question d'un orchestre. Intéressant détail. Puis quand ses yeux se posèrent sur la timide Marjorie, il ressentit son mal-être. Elle était vraiment préoccupée par la présence de Reinhart, puisqu'elle orienta la conversation sur lui.

Comme pour essayer de montrer qu'il était parfaitement détendu, il passa une main dans sa courte coiffure pour remettre une petite mèche rebelle en place. Anke quand à elle, n'était pas loin. Intérieurement il sourit. Il pourrait réellement s'amuser, rien que pour l'embêter de son petit manège de tout à l'heure.

"Oh... Moi j'appelle cela ma seconde vie. C'est pas vraiment être mort vous savez... il y a juste des points qui nous diffèrent de vous et de moi. De ce que je fais de ma vie donc... Je suis manager du groupe Zagiel, si vous en avez entendu parler. Un groupe de rock. J'ai assez d'acquis dans ce domaine pour que cela se passe bien."

Sauf quand Constantin jouait sa tête de bois. Qu'il était agaçant des fois.... Heureusement qu'ils avaient tous deux besoin de l'un et de l'autre pour que le groupe marche...

"Pour ce qui est de mon alimentation... oui j'ai quelques entrées pour la banque de sang, quand je n'ai pas quelques adeptes volontaires pour me.....m'aider à ne pas avoir trop faim sur le coup"

Il affichait un faux sourire contrit. Il chassait, mais il n'allait pas le dire comme cela, sinon, ce ne serait pas drôle. Quoique.

"Avec mon travail, je n'ai pas le temps de chasser en fait... Je le pourrai si je le voulais vraiment, mais en même temps, être dans la chasse et le marketing, il faut choisir. Nous ne pouvons pas cumuler toutes les passions qu'on aimerait avoir n'est-ce pas ? J'ai déjà connu cela en tant qu'humain. C'est regrettable de pas pouvoir le faire en tant que vampire....Passions quand cela nous tient. "

Son sourire changea quelque peu, comme s'il était plus heureux. Un faux semblant.

"Et pour vous (il s'adressait aux deux humains), vous côtoyez des vampires qui n'aiment pas s'approvisionner à la banque de sang ? Je demande juste hein. "

La mine close et retenue de Marjorie était une atroce tentation pour elle. Cela la révoltait de voir son amie coincée dans un rôle d’innocente avertie. Elle cachait un secret et cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Pourtant, son visage se détendit soudain comme si la réponse de l’allemand la ravissait, elle n’entendait pas leur conversation mais Marjorie s’était montrée enthousiaste lorsqu’il avait évoqué sa profession.

-Oh oui je connais ce groupe !

-Tu écoutes du rock toi ?

Elle fit une petite grimace au violoniste avant de s’adresser à Reinhart.

-J’ai surtout vu que vous passiez en concert régulièrement. J’aime assez le rock oui… Je comptais d’ailleurs m’acheter un de vos albums prochainement… Comme quoi le destin fait bien les choses !

La petite blonde avait retrouvé le sourire et semblait soudain reconnaître qu’il ne pouvait être un monstre. Marjorie attrapa son verre et en but une large gorgée tout en conservant l’éclat de ses pommettes, enchantée de cette rencontre.

-A tout hasard vous n’auriez pas… un cd sur vous.. ? J’ai de la monnaie.

Une mélodie numérique retentit alors et Sébastien sursauta un poil trop pour ne pas trahir la réelle appréhension qui l’habitait en cette soirée. Il se pencha maladroitement pour fouiller dans sa poche et ne trouva pas tout de suite l’engin capricieux. Enfin, il décrocha et fit signe à ses hôtes qu’il devait répondre en privé, tout en saluant déjà son interlocuteur. Lorsque Marjorie croisa de nouveau le regard du vampire elle ne cacha pas la nouvelle crainte qu’il lui inspirait. Il fallait faire la conversation, le distraire et elle n’avait pas répondu à toutes ses interrogations.

-Je ne connais pas de vampire non.

Le mensonge était pathétique.

-Nous sommes tous musiciens alors… nous devons en côtoyer oui mais vous savez la culture est un monde élitiste et les deux mondes ne se mélangent pas… Nous aimerions jouer à l’Opéra un jour mais les musiciens mortels ne sont toujours pas autorisés… Ce doit être une question de mode mais je dois reconnaitre que vos modes ont un peu plus de mal à passer que chez les humains… Lorsque ça ne dure qu’une année chez nous… cela prend près de trente ans chez vous… Je pense que vous perdez beaucoup à nous évincer comme ça. Anke dit qu’à être trop parfaits vous sonnez vides.

Sébastien revint sans tarder, l’air un peu pressé.

-Je dois y aller, je dois passer chez mon frère avant de partir. Marjorie, tu peux rentrer toute seule ?

Son regard se porta sur l’allemand, regrettant soudain son optimisme.

-Enfin c’est comme tu veux…Mais faut qu’on y aille tout de suite.

La peur avait jailli chez la jeune femme comme un cri de douleur et elle se leva sans demander son reste.

-Il se fait tard et une femme toute seule… non vraiment ce n’est pas judicieux.

Elle tendit sa main à Rein pour rester polie jusqu’au bout. Une fois que le trio se quitta, Sébastien au détour d’une rue lui fit une bise.

-C’est bon tu peux rentrer maintenant ? Il n’était pas si inquiétant que ça ce vampire, je vois pas pourquoi tu as flippé comme ça ! Il est reparti faire son petit tour je peux te laisser ici ?

Il faisait froid et elle voyait à la quantité d’air fumé qui sortait de sa bouche qu’il était pressé de se rendre chez son frère. Ils se saluèrent dans une chaleureuse embrassade et elle prit le chemin du retour. Trois rues plus loin, Anke la surprit et Marjorie lâcha un petit cri de terreur contenue avant de porter la main à sa poitrine soulagée du visage connu.

-Il est là… Rentre vite et ne te retourne pas.

La flutiste se pétrifia et partit en courant.


HRP: J'ai fait avancer mais si ça dérange tu me dis, je rectifie, ajoute des trucs tout ça tout ça.. comme d'hab ^^

Reinhart adorait sentir la tension des deux humains. Son instinct de chasseur s'éveillait un peu plus encore et il serait bien tenté de mordre un peu dans le cou de Marjorie. Mais techniquement, il avait les pensées plus portées sur Anke. Allons allons... Tout viendrait à bien qui savait attendre. Là il trouvait marrant de passer pour un "gentil" vampire, qui faisait que parler et qui n'avait pas de visée sanglante en vue. Il se permit de sourire quand Marjorie confirma avoir entendu parler de Zagiel... Qui ne connaissait pas le groupe de Constantin quand on était soi-même un adepte de musique ? Même si cela restait un peu un monde à part, Zagiel résonnait dans bien des esprits.

Quand elle lui demanda par la suite un cd, il élargit son sourire, laissant apparaître ses dents blanches.

"J'en ai toujours un sur moi d'habitude pour trouver des partenaires financiers ou autres personnes susceptibles d'aider à apporter un élan à notre groupe. Mais pour vous, je peux faire une exception et ce sera gratuit"

Il sortit délicatement le cd de sa chemise, enveloppé dans une boîte plastique orné d'un excellent dessin (vous savez dans le genre tape à l'œil, pour attirer les clients potentiels à l'achat, mais qui restait quand même splendide hein). Il le tendit à Marjorie, profitant que l'autre humain se soit levé pour répondre à son téléphone. Puis quand elle précisa qu'elle ne connaissait pas de vampire, Reinhart n'en parut pas choqué... Bon nombre de vivants préféraient taire leurs fréquentations envers leurs amis... Mentalement, il ricanait pour Anke... Qui se plaisait à se faire passer pour une humaine... C'était un comportement vraiment pathétique.

Il écouta vaguement ce que lui raconta après la jeune humaine, commençant à songer à partir... Non pas qu'il s'ennuyait, mais il sentait Anke dans les parages... Il n’avait pas fini de jouer encore pour la soirée... Et le retour de Sébastien allait l'aider à précipiter le départ... Tout en savourant la peur qu'eut Marjorie à l'idée de se retrouver seule avec Dunkel.

"Vous inquiétez pas, j'étais aussi dans l'idée de partir. Quelques affaires m'attendent. La rançon du succès, vous savez ce que c'est"

Il percevait avec une certaine extase la trouille de l'humaine. Hum qu'il voudrait vraiment lui mordre le cou. Boire du sang paniqué apportait une petite pointe d'acidité qu'il appréciait sur la langue.

L'échange de poignet de mains faites, le manager disparut dans l'obscurité de la nuit... Mais il ne s'éloigna pas complètement. Il veilla juste à se mettre à la portée de ses sens pour guetter ses deux victimes... Il ne voulait pas vraiment rentrer bredouille et si Marjorie paraissait être la seule proie possible, ben alors ce sera elle... Même si elle était sans doute chasse gardée par Anke, il avait faim. Il en souriait déjà de plaisir. Il attendit patiemment et suivit la jeune femme quand elle quitta Sébastien... Après tout... Mais en même temps, il ne doutait pas que son amie vampirique, celle qui se gardait de dire qui elle était vraiment, ne devait pas être loin...

Oui il sentait Anke possessive de ses biens, de ses animaux de compagnie. Sa hargne à la présence de Dunkel venait de la prédation dangereuse qu'il représentait pour elle. Un prédateur gardait jalousement son territoire. Un autre vampire qui pénétrait son domaine était toujours dangereux... Oui il la sentait comme cela... Il violait sa bulle de vie. Il en souriait déjà...Par contre, il n’avait pas vraiment prévu à ce qu’Anke le piste, au point de pas la sentir.

Il le sut quand elle bondit presque devant son amie, lui arrachant une peur bleue et lui souffla de partir. Il grimaça… Il n’avait pas perçu sa présence. Quelle poisse… Mais tant pis. Il aurait sa compensation d’une autre manière. Il sortit de l’ombre…

’’Faire fuir le gibier n’est pas une bonne chose tu sais, cela peut faire tourner leur sens. Dommage pour elle, j’aurai bien voulu la goûter… J’aurai du me douter que tu guetterais ma présence. Bien joué… Et maintenant, que comptes-tu faire ? ‘’

Il ricana brièvement.

Sitôt que l’humaine avait disparu de sa vue, Anke se sentit soulagée. Elle ne s’était pas tournée pour lui faire face car il sentait trop fort pour qu’elle ne sache pas qu’il était tout près et il ne pouvait quand même pas croire qu’elle ne le sentait pas ! Une fois confiante, de savoir son amie hors de danger, elle entendit sa voix chaude et faussement agréable retentir. Son accent était discret mais la musique rugueuse était bien inscrite en profondeur dans chacune de ses syllabes. Elle se décida enfin à lui faire face, s’autorisant à le détailler sous un jour nouveau avant d’estimer du comportement à adopter. Il avait ri, il était confiant, il était tellement sûr de lui c’en était plutôt agaçant.

-Est-ce que tous les vampires ont pour instinct d’emmerder leur prochain ? Qu’on soit clair… étant imprégnée de mon odeur, elle semblait bien réservée n’est-ce pas ? N’y a-t-il même plus de politesse en cette époque où règne normalement notre espèce ? Parce que vraiment… que penser de ça ?

Elle s’approcha d’un pas en sa direction, marquant la détermination de ses propos en plissant un tantinet les yeux. C’était teinté d’indignation car oui… tout ceci l’indignait !

-A part chercher à m’emmerder pourquoi es-tu là, à insulter encore de gibier une citoyenne libre qui est largement imprégnée de moi ?

Elle releva un peu le menton, se donnant un peu de courage, persuadée d’être dans son absolu bon droit.

-La chasse est loin de ne pas être réglementée et jusqu’à preuve du contraire, même les humains ont compris que la guerre entre eux ne mènent à rien… As-tu oublié qu’à leur différence nous n’avons pas le temps de mourir pour oublier nos rancoeurs ? Pfff

La violoncelliste pesta en levant une main en l’air comme si elle préférait passer à autre chose et lui permettre finalement de partir sur une note plus diplomatique.

-Mettons ça sur le manque de manières d’un étourdi de la nouvelle génération.

Anke en profita tout de même pour le rabaisser un peu… Il n’était pas si jeune mais cela était aussi une façon de lui faire croire que peut-être, elle était plus vieille que lui et donc plus forte… Elle n’aimait pas la bagarre, elle préférait offrir des portes de sorties alternatives mais quand l’instinct vampirique de ses adversaires prenait le pas sur leur raison elle comptait sur cette analyse très simpliste et primitive : vieux vampire = trop fort pour moi. Cela allait bien au-delà des considérations sur le sexe faible pourtant très récurrent chez des créatures s’étant forgées bien des siècles plus tôt.

- {Allemand} Tu sais maintenant que je ne veux plus te recroiser mon chéri, bonne soirée !

C’était une sorte d’avertissement mais empreint de légèreté de sorte que l’orgueil immortel n’en soit pas trop éclaboussé. La vampire recula alors d’un pas et s’installa sur le petit muret d’en face, rebord de Seine qui donnait sur les quais.

Reinhart se contenta de la regarder avant de la laisser partir de quelques pas, histoire de lui laisser la saveur d'une petite victoire personnelle, qui serait d'un goût tellement faussé... Les femmes ! Il fallait toujours leur laisser croire par moment qu'elles arrivent à avoir le dernier mot. Et une fois qu'elle se fut installée sur son petit muret, il revint, tout en allumant une cigarette. Il était loin d'en avoir fini. L'avertissement n'était qu'une invitation à la repousser plus fortement encore dans les retranchements.

Quand il fut à ses côtés, il s'amusa à lui souffler le peu de fumée qu'il avait inspirée. C'était pas mal pour piquer un peu les yeux. Même si elle était une frêle femme, elle était une vampire. Elle était donc presque aussi forte que lui... Voir plus sans doute. Et en plus, elle avait cherché à lui faire comprendre qu'il devait dégager... On ne lui donnait pas des ordres comme cela ! Et pourtant, il souriait toujours aussi ironiquement

- Tu sembles avoir vécu trop longtemps aux côtes des humains ma petite. Ce n'est pas ta copine qui s'est imprégnée de toi, mais toi qui t'es imprégnée des humains. Regrettes-tu tellement ta condition de faible humaine que tu souhaites chercher à revivre comme eux ? Ca c'est d'un pathétique...

Il ricana et fit fumer le bout de sa cigarette en tirant dessus. Et là il reprit en allemand

- Je pense encore avoir la liberté ma chère et ce n'est pas toi qui va dire ce que j'ai à faire. A preuve du contraire, la chasse est tout à fait acceptée, tant qu'on ne fait pas d'abus. Et où en ai-je fait ? Pauvre petite biche d'amie que tu as là, c'est vrai qu'elle doit être savoureuse, si tu la défends tant que cela

Il se permit une chose plus osée encore. Il avait fait un pas de plus en avant, pour l'avoir à portée de bras et là il se permit de lui mettre l'index sous le menton pour le lui relever, pas trop sèchement.

- Et si je décide de te recroiser, tu en diras quoi ? Hum ?

Reinhart était un prédateur, un vrai et l’interdiction d’Anke était un jeu, un feu vert pour sévir plus dangereusement. Il s’approcha d’elle non vraiment menaçant mais plutôt attisé par le défi et par le besoin de dominance. Il posait sur elle un regard fort peu courtois et bavait clairement sur Marjorie pour agacer la violoncelliste. Il s’approcha suffisamment pour lever la main sur elle, un index de trop, en dessous de son menton pour l’obliger à le regarder dans les yeux, l’obliger à voir comme il la toisait. Anke sentit sa mâchoire se crisper, devait elle lui tirer dessus ? De toute évidence il ne comptait pas faire en sorte que ça se termine bien… Elle ne baissa pas les yeux et tenta de réfléchir à la façon de plonger sa main dans son sac pour le pointer de son arme sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit. Il était proche, elle ne pourrait pas faire grand-chose sans qu’il ne le remarque et se braque… Qu’elle n’aimait pas qu’on lui parle de sa vie humaine…

-Je vais essayer de ne pas m’offusquer de tes manières. S’il lui arrive quoi que ce soit, je te tue. Je suis claire et je ne cherche même pas les ennuis. La chasse est libre oui mais elle est à moi alors si tu t’en approches, tu entres sur mon territoire. Est-ce là une preuve d’humanité ?

Elle lui sourit légèrement alors qu’il tenait encore son visage entre ses doigts.

-C’est fou comme le nationalisme te colle à la peau… Nous n’avons pas à nous revoir, je ne fréquente pas les petits officiers.

Anke leva alors lentement la main pour attraper le poignet de l’homme et le serrer avec assez de poigne pour l’obliger à écarter ses doigts de son visage. Un fois libérée de cette promiscuité, elle le repoussa avec énergie l’obligeant à reculer de quelques pas.

-Passe ton chemin, Pimpf, j’en ai bien assez de te faire la conversation.

C’était un petit surnom charmant, condescendant à souhait mais le ramenant sans doute à son enfance lointaine…Elle profita alors de l'occasion pour se lever et faire quelques pas en arrière, en direction de la première ruelle pour ne pas lui tourner le dos. Elle lui accorda un petit sourire pour le saluer une dernière fois et osa enfin lui tourner le dos tout en sentant son pouls s'accélérer, c'était dangereux mais il fallait vraiment mettre un terme à cette rencontre. Son ouïe était plus attentive que jamais, elle glissa la main dans son sac, parée à tirer.

Reinhart se contenta de ricaner. Elle savait vite reprendre ses marques pour défendre son ami, se pliant aux jeux habituels des vampires en la considérant comme son bien... Comme si la petite humaine ; si appétissante, était une esclave... rares étaient les humains qui acceptaient de se laisser mordre pour leur ami vampire. Quel étrange fille que celle là... Elle se mettait en colère pour protéger son petit jouet... Du moins voulait-elle en donner l'apparence. L'ancien nazi n'était pas dupe. Il avait assez fréquenté les humains, que ce soit en homme ou en suceur de sang pour savoir comment on pouvait dissimuler la vérité. Et la menace... tssss... Elle aurait pu faire mieux.. Qui se soucierait réellement d'une jeune femme mortelle ? Sauf si elle avait un intérêt important. Mais là... Une musicienne ! Ce n'est pas ce qui manquait sur la capitale française.

Il allait répliquer avec un sourire sarcastique à sa remarque de « petits officiers'' quand elle lui attrapa le poignet et le serra de toute sa force. Il serra les dents et sous la torsion ne put que s'écarte d'elle. Il siffla d'indignation et se frotta encore l'articulation pendant qu'Anke s'éloigna avec une dernière remarque désobligeante. Il grinça des dents. Comme s'il allait en rester là. Mais il hésita pourtant à se lancer à sa poursuite.. Ce n'était pas très digne de lui de se mettre à poursuivre en courant une garce comme elle... Il se contenta alors de remettre son manteau correctement sur ses épaules d'un geste très masculin et ricana, faisant quelques pas tranquilles dans le sillage d'Anke...

''Ah donc tu partageais le lit de la petite soldatesque... Je comprends pourquoi un vieil officier comme moi te rebute ; cela te fait peur... Mais tu as raison que de rester dans les bas-fonds. C'est plus facile et moins.... comment le dire...'

Il fit mine de chercher le terme exact quelques secondes.

''Bourgeois... tu préfères donc les basses castes. Mais je comprends. C'est plus aisé pour vivre parmi les animaux....''

Nouveau ricanement. Allait-elle relever l'insulte ?

Il la suivait oui mais d’un pas un peu hésitant. Il savait qu’elle l’entendait encore même s’il ne parlait pas bien fort et qu’elle pressait le pas. Alors il cherchait donc une femme pour la nuit ? Il cherchait à attiser son intérêt mais quel intérêt pouvait-on avoir pour un nazi.. un officier.. Elle s’arrêta mais s’interdit à faire demi-tour. Quelle importance qu’il pense qu’elle était une trainée chez les enfants du Reich ? Pourtant elle n’était pas n’importe qui elle avait eu les faveurs du Führer elle ! Mais c’était là, un des conflits intérieurs les plus redoutables. Elle était fière parce qu’elle avait été éduquée ainsi mais elle avait honte.. elle se haïssait à chaque fois qu’elle retrouvait cette vanité passée… Elle avait chanté, dansé pour lui et elle devait subir qu’on l’insulte de tapiner dans la seconde classe…

Heureusement il venait de poursuivre sur la dimension actuelle, sa condescendance quant à sa façon de vivre lui importait bien moins que toute allusion au passé. Aussi, elle tenait à ce qu’il s’en tienne là mais il reviendrait.. alors pour la sécurité de Marjorie.. Anke leva un œil pour veiller à ce que personne ne la regarde agir et dans un geste vif et précis sortit son arme fétiche de la seconde guerre pour tirer sur l’allemand. La détonation avait cette sonorité si gracieuse et il ne souffrirait pas trop d’un balle provenant de leur passé commun. Le vent siffla et la balle en argent se logea dans sa chair alors qu’il venait de bouger. Elle n’avait pas espéré le tuer de toute façon…

-Aïe.. ironisa-t-elle. C’est un avertissement, c’est mon territoire. Dégage.

Ses yeux scintillèrent dans la pénombre, l’odeur du sang pointait, il avait l’air quelque peu goûtu.

-Je me demande quand même ce qu’il peut te passer par la tête pour te présenter comme un officier… Tu ne sers plus personne. Il t’est trop difficile de digérer que tu as été manipulé alors tu préfères jouer à l’éternel bon soldat ? Le Führer détesterait ton manque de respect à mon égard.

Elle se crispa, comment pouvait-elle supposer pour ce monstre qu’elle avait tant admiré… Il comprendrait forcément qu’elle avait pu le rencontrer.. il ne fallait pas.. mais il avait mal.. un peu.. il ne retiendrait pas. Pour passer ses nerfs, sa crainte et pour passer à autre chose, Anke réengagea le cran de son Walther PPK. La détonation avait pourtant fait écho dans les rues mais personne n’approchait encore. La nuit n’était pas un terrain de jeu sans danger, cela faisait parti de la musique de l’immortelle ville lumière.

C'est là que vient le prix à payer de l'audace. Anke avait été plus rapide que lui à sortir son arme et le canon délivra déjà son projectile. Il aurait mieux fait de la jauger un peu plus avant de la pousser dans es retranchements. Mais ça, c'étaient des pensées qui arrivaient après avoir la balle logée dans le bras gauche. Et comme elle était en argent... Reinhart le sentit immédiatement. Oh il avait pris des pruneaux durant la Seconde Guerre, mais aussi durant son existence de vampire. Une balle ordinaire, ce n'était qu'une piqûre... en comparaison de cette balle là !

Il en refoula un cri d'ailleurs. La brûlure était intenable ! Et la garde s'en moquait d'un seul mot, avant de chercher à jouer la dominante. L'Allemand pressa la blessure de toutes ses forces pour essayer de contrer cette douleur insupportable par celle de la pression ; guère efficace. Il lorgna un regard mauvais sur la jeune femme. Plus encore quand elle réarma son arme de poing.

''Tu parles de manipulation et après que notre ancien Führer aurait été outré de mon attitude envers toi ? Tu te contredis ma chère.. ''

Il ricana en reculant d'un pas. Il avait mal et il ne voulait pas continué à souffrir devant elle et de se reprendre une autre balle

''Notre Führer rirait de toi je dirai... Moi je ne renie pas mon passé...On se retrouvera crois moi...''

Puis il préféra détalé sans demander son reste. La douleur provoquée par l'argent de la balle le poussait à prendre le large que de tenter encore une courte bravade face à Anke. La vengeance est un plat qui se mange froid et longtemps...

[HRP : merci pour cette partie, elle était sympa et Anke ne paie rien pour attendre xD]