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 [Résidences] {Equinoxe: Code 111}

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Roch-Elven

Roch-Elven

Messages : 16
Date d'inscription : 04/05/2012

[Résidences] {Equinoxe: Code 111} Vide
MessageSujet: [Résidences] {Equinoxe: Code 111}   [Résidences] {Equinoxe: Code 111} EmptyVen 25 Mai - 14:01

Le gardien ouvrit la porte sans sortir de sa loge . il connaissait maintenant suffisamment les ouvriers qui travaillaient à l'appartement du fond. Avec un petit salut de la main, Roch-Elven franchit la noble porte cochère, flanquée de cariatides chargées d'impressionner le quidam s'aventurant en terre bourgeoise. C'était un de ces bâtiments du XIX° siècle avec au centre une cour pavée. Les façades donnant en angle sur deux rues étaient cossues mais les murs sur la cour n'étaient ornés que de gouttières et de canalisations modernes posées à la diable. C'est là que Roch avait déniché "l'appartement de ses rêves" comme le formulait l'agence immobilière par laquelle dans le quartier on devait obligatoirement passer. Le mot squat y était inconnu, on ne parlait que loft , penthouse et hôtel d'époque. Tout y était très contrôlé. Quelques immeubles comme celui-là, haussmanniens de seconde classe, y demeuraient encore, pour le bonheur de ceux qui voulaient vivre dans un quartier chic sans en avoir tout à fait les moyens.
Sitôt que l'opératon avait été projetée, Roch avait consulté les affichettes, puis étudié les implantations des immeubles où on pouvait louer un deux-pièces discret à proximité du bal. Il avait miraculeusement déniché l'idéal dans un îlot à plusieurs issues. Après avoir envoyé un Inspecteur des Vannes et Thermostats visiter les caves où des odeurs suspectes avaient été repérées, le Clan s'était occupé de tout. Le Clan était riche. Bien des choses avaient changé, mais non la nécessité pour une guerilla d'avoir de l'argent, et même beaucoup d'argent. Héhé ! Même la Couronne n'avait pas réussi à faire disparaître cette polysémie du mot qui, depuis deux siècles, prêtait à d'innombrables plaisanteries, du moins chez les humains.
L'appartement avait donc été loué par une jeune femme un peu snob, qui le déclara difficilement habitable sans des travaux, dont elle se chargerait car elle n'aimait que le style artiste, à savoir le sien. Marie Duval, créatrice, vous connaissez ? L'agent avait dit oui. Le nom lui semblait familier.... Affaire conclue.

Roch avait établi un plan sur le rythme ternaire classique : I -Préparation / II -Action / III - Evacuation. Il tenait à la dernière partie, trop souvent négligée. On le lui reprochait parfois, mais Abel respectait les différences; enfin... dans une certaine mesure. Dès la fin de la première semaine, Roch avait donc rayé l'entrée A de la Phase I, qui en comprenait quatre : A- location. B- Installation. C-Excavation. D- Introduction. Aujourd'hui, il n'y avait plus que D de non rayé. Ensuite on passerait à la phase II-Action. L'appartement serait abandonné et le Clan veillerait à refermer le trou dans le sous-sol.
Après la totale réussite de A-Location, Roch était venu effectuer de menus travaux quand les maçons et menuisiers avaient fini leur tintamare et évacué leurs gravats. Roch avait des papiers au nom de Pascal Bruneau, documents qu'il avait dûment montrés à la loge -car c'était un quartier à concierges chargés par la police de surveiller les événements privés susceptibles de fâcher en haut lieu.. Roch avait pris sa bonne tête des bons jours, essuyé ses pieds sur le paillasson, fait minou minou au greffier de la concierge, complimenté son canari, réparé sa chasse d'eau qui se coinçait et maintenant, elle lui faisait de grands sourires, l'appelait Monsieur Pascal et l'invitait même à prendre un petit café très mauvais qu'elle préparait avec un instantané Jacques Fabre garanti authentique. C'était possible car il sentait la momie.
Un des atouts majeurs de l'appartement était qu'il était au rez-de-chaussée,donnant sur une courette arrière, donc plutôt sombre, ce qui avait fait hésiter Marie Duval et décidé Roch immédiatement. Comme chacun sait, le rez-de-chaussée est directement au-dessus du sous-sol ! On avait pu immédiatement passer à B-Installation et C-Excavation en parallèle.
Dans le cadre Installation, Roch s'occupait de la concierge, source utile de renseignements sur le temps qu'il fait dans le quartier, tout en surveillant l'avancée des travaux en sous sol. Il fallait quand même percer un plancher et trois cloisons, dont une en moellons. C'était fini. Les plats préparés devaient arriver en fin d'après-midi quand les premiers meubles de Marie Duval seraient livrés. On n'avait eu l'autorisation de stationner que pour une demi-heure et pour une camionnette 15 m³ seulement, et ce en raison d'une réunion officielle dans le quartier.. Madame Odette, la concierge, avait renchéri sur les ennuis causés par ce Bal qui aurait lieu juste derrière, mais oui, trois numéros plus loin ! Du beau monde, enfin, vous voyez ce que je veux dire ! Roch qui, tournevis en main, tentait de réparer le chauffe-eau qui grésillait, voyait très bien. "Le Bal des Vampires !" avait-il lâché, un peu goguenard. La concierge avait gloussé devant l'audace du propos. Elle-même n'aurait jamais osé être aussi directe et disait toujours 'ces messieurs-dames'. Cela seul aurait effacer les scrupules de Roch s'il en avait éprouvé pour avoir menti à Madame Odette. Il lui pardonnait le café égyptien mais non de confondre, même en paroles, les vampires avec des humains.

En combinaison de travail vert olive, sans bonnet, rasé de près, le nez légèrement évasé par des boulettes de cire qui lui donnaient une voix de sinusiteux, portant une sacoche à outils, usée juste ce qu'il fallait pour paraître honnête et laborieuse, Roch, ayant traversé la cour, vit comme prévu que la concierge n'était pas dans l'escalier. A cette heure, elle regardait "Dallas, un univers impitoyable", une adaptation d'un très vieux classique télé où les personnages avaient tous, moralement, les dents longues. Encore une plaisanterie usée. C'est dommage ; comme pour les chaussures, ce sont toujours les bonnes qui s'usent les plus vite.
Madame Odette lui ouvrit la porte et après quelques politesses, l'abandonna pour rejoindre l'univers sans pitié qui hurlait derrière elle .
Ayant échappé au café meurtrier, Roch entra dans l'appartement peint en noir rayé rouge, avec un mur blanc pour l'effet visuel et un sol en carreaux reprenant des dessins de Vasarely, qu'il aimait bien sur les murs mais qui lui donnait le tournis quand il marchait dessus. Il avait mis une bâche en permanence sur le sol et sur les idées de Mirella, véritable artiste par ailleurs et membre du Clan. Elle s'était beaucoup amusée à jouer le rôle de Marie Duval, avec une perruque blonde et des lunettes de star proprement ahurissantes..

Lui ne s'amusait pas. Il avait dû totalement changer ses plans pour la journée, quand, à quatre heures du matin, Abel lui avait fait savoir que Babylas serait indisponible. Bab venait d'être opéré d'urgence à la suite d'un banal accident de circulation, pas même grave sur le moment, vélo contre piéton. Abel lui avait choisi un remplaçant. Que Roch s'occupe de le mettre au courant comme il l'entendait, ce que ce dernier avait fait en fixant rendez-vous -14 heures à l'appartement.- à Adrien Loir. Il devrait se présenter à la loge comme un employé E.D.L.C, venu vérifier un point de détail négligé par son collègue. Celui-ci -un vrai- était en effet passé quelques jours plutôt. L'avis de passage, signé Marie Duval, serait dupliqué, sans signature ni date, au local des Accessoires, où Adrien trouverait également la casquette de fonction préparée à son nom. La concierge le laisserait entrer sans problème, surtout à cette heure-là.

Après avoir allumé le poste de radio sur Paris 22 , la chaîne populaire où alternaient des programmes "mixtes", Roch déplia l'escabeau. Il devait rajouter des fixations de barres à rideaux. En sifflotant au rythme d'un succès vampire à la mode - on peut détester les zombies et aimer leur musique- il entreprit de prendre des mesures, tout en pensant aux conséquences prévisibles et surtout imprévisibles de ce contre- temps. Son équipe venait d'en prendre un coup.

Quand Roch avait reçu l'ordre d'enrôler du monde, en fixant lui-même le nombre de ceux qui lui seraient nécessaires, il avait scindé la troupe en deux . D'abord, les utilités, de loin les plus nombreux, qui prendraient leurs ordres de lui, mais dépendraient du Clan pour la logistique( convocation, trésorerie, identités, démarches, matériels etc) . Mirella était de ceux-là, avec son rôle d'Artiste et ses fichus Vasarely, tout comme les infiltrés du personnel fourni par les traiteurs auxquels l'organisatrice du Bal avait fait appel. Il avait demandé aussi des maçons et terrassiers ,des cuisiniers du clan, un fleuriste chargé au dernier moment de rajouter des fleurs artificielles dans les |bouquets. Rôle difficile, car l' hôtesse ne serait pas facile à convaincre si elle s'en apercevait.. On s'était mis d'accord sur un scenario Le prétexte serait un risque d'affaissement floral en cours de soirée, sous la chaleur ambiante. Madame n'avait pas signalé qu'il y aurait une cheminée allumée ! Il fallait bien admettre que l'excellent choix de Madame, tout en nuances délicates et variétés rares, n'avait évidemment pas la résistance des bégonias vulgaires et des oeillets si conventionnels ! On garantissait l'absolue invisibilité des intruses, en soie naturelle peinte à la main.
Tous ces gens, liés au Clan, ne connaissaient du plan que la tâche qu'ils avaient à effectuer et Roch n'avait communiqué qu'indirectement avec eux. Ils avaient bien entendu un signe de reconnaissance établi selon les règles. A ceux-là se joignaient les artificiers en poste au Clan, que Roch connaissait bien et ensemble ils avaient mis au point quelque spécialités fortes en goût, dont on pourrait être fier si, bien sûr,les détonateurs étaient activés au bon moment
L'équipe avec qui il avait fixé tous les détails, ne comportait au début que deux membres. iIs étaient donc trois, tous égaux dans son optique, d'où le nom de Code I I I, choisi dans un accès de symbolisme un peu naïf, mais dont il n'eut pas longtemps à se repentir, car le crypteur lut 111 et Roch se dit que Code 111 était aussi bien et même meilleur, puisqu'il n'avait aucun sens. En plus, Abel trouva finalement que trois, ce n'était pas assez.
Code I I I I était illisible, Code IV caquetait trop . Code 111 ouvrait des horizons extensibles. On en resta à quatre intervenants directs.
Il avait demandé Mac Cabe, un "vieux" qui l'avait formé en partie. Il réglait les minuteries à la perfection et repérait les meilleurs endroits où poser les charges. Ensuite ce pauvre Babylas, un ancien chef de rang entré au Clan, qui leur avait appris comment se tenir en salle, comment pousser un chariot de service, disposer les couverts, enlever les cloches des plats et assiettes sans toucher au contenu et surtout pas à la sauce. Il faudrait faire sans Bab. Adrien Loir, d'après ses états de service, ne devait pas être un spécialiste des arts de la table
Enfin, il avait retenu Léo Marx, dit Groucho, à cause de la moustache, aussitôt sacrifiée. Roch avait rasé tout le monde, y compris lui-même. Les ornements pileux sont mal vus sur le petit personnel de cuisine ou de salle. Léo était un copain du groupe Rembrandt où travaillait parfois Roch, groupe spécialisé dans ce qu'on appelait les Rondes de Nuit, et Roch l'aimait bien, parce qu'il savait toujours des choses étonnantes sur des sujets eux-mêmes étonnants.
Ce serait ces amis qui tout à l'heure joueraient les déménageurs, débarquant les meubles design abritant les sacs isothermes contenant les "plats préparés."

Comment Adrien Loir allait-il s'intégrer dans le trio ? Roch se sentait mal à l'aise . Pourquoi Abel avait-il choisi un homme bien plus expérimenté que lui, plus âgé ? Mac Cabe était certes encore plus vieux, mais Mac Cabe le connaissait bien et l'appelait toujours' Petit'. Que Roch soit le responsable n'avait rien changé à leurs rapports..Adrien Loir pourrait se formaliser de devoir suivre un plan sur lequel personne ne lui avait demandé son avis; Mais il n'aurait qu'à savoir où on serait, porter des sacs, disposer des plats et se tailler à temps. Et puis, il pourrait peut-être remarquer des failles dans le plan, la petite négligence qui met la pagaille et peut tout faire rater. Roch repoussa l'idée qu' Abel ait justement choisi cet homme d'expérience parce qu'il craignait finalement que le jeune chef ne soit pas à la hauteur de cette mission. C'était quand même un gros morceau. Mais Abel n'était pas du genre à se dérober et il le lui aurait dit tout net s'il l'avait pensé.

Il était environ 14 heures à la pendule loufoque et illisible, très artiste, faite pour étonner les visiteurs et suggérer l'heure sans aller jusqu'à la donner.
Roch en tendit le faible bruit du portail d'entrée. Très vague bruit de voix. Silence. Madame Odette devait être retournée aux turpitudes texanes du XXe siècle. Roch mit en marche sa perceuse.
La sonnette tinta bourgeoisement. Mirella n'avait pas pensé à la changer. Roch cria du haut de son escabeau en ouvrier insouciant :

-Entrez. C'est ouvert !

Un type en casquette, au regard sec et qui ne souriait pas, se tenait sur le seuil.


Dernière édition par Roch-Elven le Jeu 21 Juin - 21:00, édité 1 fois
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Adrien Loir
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Adrien Loir

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[Résidences] {Equinoxe: Code 111} Vide
MessageSujet: Re: [Résidences] {Equinoxe: Code 111}   [Résidences] {Equinoxe: Code 111} EmptyVen 15 Juin - 14:58

"Au diable les règles !
J'ouvris le livre, et le savoir se répandit lentement en moi comme un liquide vert et gluant, incendiant subrepticement mes veines, et fumant ma cervelle petit à petit, au fur et à mesure que le fardeau de la compréhension se faisait plus lourd. Et je me rendis compte que l'Histoire avait commencé bien avant ma naissance, qu'elle se poursuivra après ma mort. Car on se fait trop souvent des illusions sur l'Histoire, la plus grande erreur de l'être humain est de croire que l'Histoire a commencé avec la naissance de l'homme, et qu'elle prendra fin lors de son dernier soupir. Cette erreur est fatale car elle profite à ceux qui voient à la fois les humains naître et mourir, les créatures de la nuit pour lesquelles la mort appartient au passé et l'éternité se confond entre présent et futur.

Le livre déchaîna un ouragan sur ce long fleuve tranquille que je croyais être le passage du temps.
"


___


25 Août 1191 après J.C.
Israël



Des dizaines de milliers d'hommes ont surgi de la plaine, usés par le long voyage, une armée. La fierté engendrée par la dernière victoire remontait au mois d'avril, et à cette heure, seul le goût amer du sang persistait miraculeusement, comme si nous avions chacun le doigt tranché d'un enfant dans la bouche. Nous aurions pu planter un camp sur la colline, mais notre guide nous répétait sans cesse que, plus loin, il y avait un village.

Et nous l'avons trouvé, au grand désarroi des habitants. Nul d'entre nous n'a été surpris lorsque à notre approche, les volets ont claqué, les femmes ont tiré leurs enfants du palier, et que le silence a envahi le lieu qui était, à peine une minute auparavant, bouillant de vie. Un ordre a jailli soudain du plus profond des rangs, et nous avons commencé à poser les bases d'un campement militaire. J'imagine bien l'angoisse de l'aubergiste lorsqu'il a vu des hommes barbus et imposants, leurs vêtements blancs sertis d'une croix rouge, entrer dans son commerce. Nos précepteurs nous ont laissé nous "reposer" dans la taverne. La vulgarité des gens de notre ordre n'était plus à prouver, pas plus que notre violence. Des barbus puants et mal rasés constituaient la base de l'infanterie, quelques rares chevaliers, dont je fais partie, sont allés prendre une table. Notre guide a parlé au tavernier dans une langue qui m'est toujours si incompréhensible et étrangère, celui-ci lui a répondu d'un simple haussement d'épaules. J'ai saisi le message : pas d'alcool ici, les troufions allaient devenir fous. Ces mêmes soldats, si peu fiers, se sont levés, révoltés. Après une longue et violente dispute, il a été convenu que le tavernier serait sauf mais que sa femme et sa fille serviraient de substitut à l'ivresse procurée par la boisson. Un groupe s'est vite rameuté autour des femmes en pleurs et les a emmenées dans une autre pièce, plus tranquille. Je me suis presque remercié d'avoir fait vœu de chasteté. Tandis que j'observais les visage ridé de colère du tenant avec froideur, un plus jeune que moi s'est levé, attiré par les cris entremêlés de l'épouse violée et des fous qui la retenaient. Je lui ai pris le bras avec vigueur.

- Ne me retenez pas, frère Jean !
- Tu as fait vœu.
- Allons, je sais que vous n'avez pas la foi, à quoi sert-il de...
- Ce n'est pas une question de foi. Rassieds-toi !


Il s'est exécuté, il m'a regardé avec la fougue de la jeunesse emprunte de frustration.

- Mais pourquoi alors ?
- Si tu te laisses aller, cela fera autant d'issues par lesquelles le Diable s'infiltrera pour te corrompre.
- Je croyais que vous ne donniez pas d'importance à ce genre de sornettes !
- Je ne parle pas du monstre que l'on voit dans les enluminures, je parle du mal qui sommeille en chacun de nous.


Voilà ce que je lui ai dit, et il ne m'a pas écouté. Il s'est levé avec l'énergie de la pousse naissante et m'a pris de vitesse. Avant que je n'aie pu prononcer quelque sermon, mon apprenti s'abaissait déjà aux jeux malsains des pervers. On avait comme pris le village en otage. J'étais seul avec le guide, frère Simon et le tavernier. Je faisais figure d'autorité dans ce petit groupe, car j'étais le seul homme d'armes. Le guide était un Arabe comme l'aubergiste, et Simon était un moine qui n'avait rien de guerrier mais la foi de dix hommes. Le guide s'apprêtait à parler dans la langue locale mais je lui ai coupé la parole. En m'accoudant au comptoir du tavernier, je lui ai tendu la main.

- Jean de Lavalette. C'est vous, M ?
- Malik Al Quadim, oui, c'est moi.


Il m'avait répondu en oil, c'était bien lui. On s'est serrés la main, moi et mon informateur. Il était la véritable raison de ma présence ici. Les hurlements feints des prostituées dans la salle d'à côté, les imposteurs qui se faisaient passer pour les victimes d'un viol, couvraient notre conversation confidentielle. J'ai sorti un parchemin garni de symboles noirs, un message codé, de mon sac et je l'ai posé sur le comptoir.

- Votre missive parle bien d'"événements contre-nature", n'est-ce pas ?
- ... Vous n'êtes pas un chevalier du Temple.
- Contentez-vous de répondre à ma question, Malik.
- D'abord, les miennes. Qui êtes-vous ?
- Personne.


Je n'ai jamais divulgué de tels secrets à mes informateurs. Mon nom de naissance n'est pas Jean de Lavalette, mais j'ai du adopter entièrement cette identité, celle d'un Templier disparu au combat. La mémoire des hommes est courte, et elle est remplacée par toutes sortes de documents, de registres. Contrôlez ces bouts de papier et vous contrôlez la mémoire des hommes, tragiquement facile. La nuit tombait calmement, il fallait agir vite.

- Malik, répondez à mes questions.
- Très bien...
a-t-il soupiré

Je n'ai rien entendu de bien surprenant. L'histoire habituelle : d'abord des disparitions étranges pendant la nuit, des corps retrouvés quelques semaines plus tard, des tombeaux profanés, d'autres disparitions, des taches de sang, puis des flaques de sang, puis plus aucune goutte dans aucun des corps après le massacre qui suivait. Ces histoires parfois sorties d'esprits délirants sont les fantômes que je poursuivais. Je m'attendais déjà à cette phrase :

- Et deux trous profonds sur la nuque...

A cet instant, Simon a fait le signe de la croix comme pour se protéger de la terreur.

- Pas de massacres collectifs, Malik ? Les paysans ne vous ont pas semblé violents ou lunatiques ?

L'aubergiste fit "non" de la tête. Probablement un novice, un nouveau-né, peu dangereux en règle générale. J'ai pensé que cela serait une chasse facile. Mais j'ai réalisé que je me trompais lorsque la nature des cris dans l'auberge a changé, de vile jouissance, les voix sont passées aux hurlements des porcs agonisants. "Il" était déjà passé à l'attaque. J'ai sorti mon épée et Simon sa croix qui répondait aux éclats de la lune qui filtrait par les fenêtres. Nous nous plaçons devant la porte, les cris se fond de plus en plus perçants. Avec le moine, on a attendu qu'ils se taisent. Ces porcs étaient devenus bien malgré eux des appâts juteux qui calmeraient la soif de la sangsue et la rendrait plus abordable. Lorsque les cris ont cessé, j'ai ouvert la porte pour trouver devant moi mon apprenti, debout au milieu d'un amas de corps, du sang sur les mains, le regard ailleurs, comme si il était possédé. Et il l'était. J'ai placé mon épée devant moi tandis qu'il s'avançait en boitillant, la folie meurtrière animait ses moindres gestes comme un pantin maléfique.

- Du sang… Du sang… D-du sang ! Du sang !!
- Ne fais pas ça, petit...


Et soudain, le jeune homme, abusé par un lien mystique irrésistible, a bondi sur moi tel un fauve. Le fer a tranché sa gorge à la vitesse du son. Il m'avait suffi d'un coup d'épée. Son regard accusateur s'est tourné vers moi, avant de s'éteindre dans une flaque de sang sans comprendre la raison de sa mort. Le vampire, lui, s'était déjà évaporé dans les ténèbres après avoir semé le trouble dans le cœur des hommes. Il n'avait rien d'un nouveau-né.

C'est la cruauté de notre chasse, on ne sait jamais vraiment faire la différence entre le chasseur et le chassé.

___



25 Mai 198
Paris


14h. Je frappe. Personne ne répond. Je sonne. On m'ouvre. Je jurerais pourtant que la sonnerie retentit moins fort que mes quelques coups secs sur la porte. Celle-ci s'ouvre d'elle même sur un vestibule désert. J'avance et je constate qu'il ne l'est pas totalement, le gardien est un nain. La caméra de surveillance qui m'épiait au-dessus de l'entrée était son troisième œil.

- Monsieur ?
- E.D.L.C.
- Je ne suis pas aveugle, vous savez.


Il fixe mon vert de travail et les quatre lettres blanches sur le dos et la casquette. Je me tais pendant deux secondes pour me rappeler tout le baratin.

- Un de mes collègues est passé il y a quelques jours mais son travail est incomplet, je suis venu terminer tout ça.
- Vous parlez de ?
- L'appartement, au rez de chaussée.
- Je crois que quelqu'un d'autre s'en charge déjà, un certain Monsieur Bruneau.
- Monsieur Bruneau est jeune et il connait mal le métier. Nous tenons à ce que le travail soit bien fait.
- ... Allez-y alors, et faites du bon boulot, pour ce que ça nous coûte...
dit le nain d'un air las.
- J'y veillerais.

Il me montre la direction à prendre. Je longe le couloir de droite, il me semble entendre un grognement derrière moi. Le réceptionniste était peut-être mieux habitué à la gentillesse feinte de "Pascal Bruneau", le gentil travailleur. Je ne me sens pas l'humeur de jouer les guignols devant les petits bourgeois du quartier résidentiel, ceux qui se donnent plus d'importance qu'ils ne devraient. J'espère que "Monsieur Bruneau" n'est pas de ces gens-là.
J'évite soigneusement toute discussion avec la concierge, l'exemple qui illustre parfaitement le type de personne que je déteste, les vieilles retraitées bavardes à la vie tellement monotone qu'elles en viennent à connaître tous les détails insignifiants de la vie des autres ainsi que le scénario de chaque épisode de Dallas. Et dire que cette série existait déjà avant ma naissance, avant la naissance de la concierge, avant l'an 2000 qui a dévisagé les calendriers. Je n'adresse même pas un sourire à la vieille concierge et je frappe à la porte de l'appartement.

- Entrez. C'est ouvert !

Première déception. Au générique ringard de "Dallas, un univers impitoyable", succède un morceau de neo-jazz d'un chanteur aux dents trop longues à mon goût. J'ignore les remarques du "Monsieur Bruneau" perché sur l'échafaud, astiquant des bouts de tissus aspirants rideaux, et me dirige vers un vieux poste de radio, probablement prêté par Madame Odette, la concierge répugnante. Je tais la voix de serpent que les saxophones et les accordéons électriques étouffent à peine en appuyant sur un bouton.

- Vous n'aimez pas Julio Domingo ?
- Je n'aime pas le jazz, surtout quand le chanteur en question est un suceur de sang.


J'essaie d'anticiper sa réaction, mais il ne laisse pas transparaître la moindre frustration. Il attend le mot de passe avant de m'en dire plus. Je récite.

- Adrien Loir. Code 111.

Pascal Bruneau, véritable nom : Roch Destienne. A rejoint le Clan pour la lutte contre les vampires en 196. Rédacteur de brochures de propagandes du Clan, doué pour le pistage et le sabotage, sang-froid exemplaire et esprit d'équipe remarquable. Rejoint le groupe Calypso l'année de son admission. A permis la localisation de nombreux filons d'argents pendant l'opération Stanislas. Quitte Calypso pour Saint-Cristophe en 197, participe notamment à la destruction du pont de Cergy et à l'excavation d'objets précieux en argent. Fin 197, blessé lors d'un attentat manqué à l'aéroport de Roissy. Bref, des états de service presque sans tache, un chef d'équipe parfait pour l'opération Code 111 en apparence. Manque peut-être d'expérience.

On n'a pas eu besoin de faire les présentations car on avait déjà lu les états de service l'un de l'autre. Le mien doit lui avoir évoqué celui d'un tueur à gage. Je suis rodé en ce qui concerne d'enlever la vie à un mort. Roch-Elven Destienne descend de son échafaud et, assis confortablement autour d'une table basse, je l'écoute alors qu'il m'expose la situation ainsi que le plan du fameux Code 111. Opération qu'il a organisé lui-même comme on organise un exposé d'histoire ou de sciences naturelles :

Le "Bal des Vampires", ça, j'en avais entendu parler, et pas seulement au Clan. Un tel regroupement de non-morts et de leurs loyaux sujets humains passe rarement inaperçu. Une réunion chic dans les Hauts Quartiers de Paris. Des hommes et femmes du monde, des politiques, des hommes d'affaires, des actrices et de riches héritiers. J'aurais parié un empire que le Clan ne resterait pas les bras croisés à laisser ces sangsues siroter tranquillement leur vin trop rouge. On a confié à Roch une opération d'envergure, le Clan doit avoir une totale confiance en lui, et pourtant on me demande à moi, l'un des assassins les plus efficaces du Clan, de participer à cette mission de sabotage ? Cette opération doit être à la fois un test déterminant pour le jeune leader et une opportunité à ne laisser passer sous aucun prétexte, ce qui explique notre présence à tous les deux. Je n'étais pas sensé y prendre part au début, mais j'ai mes entrées. Babylas, un des membres du groupe Saint-Cristophe, a été victime d'un "accident" hier soir. Oui, je suis derrière tout ça. Quelques francs bien placés, promis à une personne désespérée ont suffi. Un vélo a heurté Babylas de plein fouet sur un trottoir avant que son conducteur ne disparaisse mystérieusement. Ses jours ne sont pas en danger mais il devra subit une opération, ce qui m'a permis de le remplacer en me portant volontaire. Et Roch est persuadé que ma présence est légitime, tout se déroule comme je l'entendais, cela faisait des années que j'attendais de participer à une mission d'une telle envergure !

Repenser à mon odieux arrivisme m'amuse et me rassure. Peu à peu, je me décontracte sur mon fauteuil et pose mes pieds croisés sur la table. Je me sens dans mon élément, et je dissimule sans peine mon excitation à propos de cette fameuse triade du chiffre 1.

Roch avait déjà pensé à tout. Un appartement à deux pas de l'objectif, loué sous un nom d'emprunt, une issue souterraine qui servirait probablement à l'exfiltration, de fausses identités et une invitation au bal des sangsues. Les agents de terrain du groupe Saint-Cristophe côtoieront les vampires en se faisant passer pour des domestiques, tandis que des explosifs seraient dissimulés aux quatre coins de la salle, dans les plantes décoratives et dans les plats. Un plan vicieux, étant donné que les agents chargés de la distribution des plats transporteront eux-même les explosifs à minuteur. Apparemment, il y aurait quatre intervenants directs, dont moi, Roch , un certain Léo Marx du groupe Rembrandt et un membre expérimenté du Clan qu'Adrien connaissait bien parce qu'il était une des connaissances de son ancien Tuteur, Mac Cabe, expert en explosifs.

La suite du plan me convenait moins.

- Et on part comme ça ? Vous avez beaucoup d'explosifs mais ils ne suffiront pas à tuer toute la vermine dans le bâtiment.

Je savais que l'extermination n'était pas l'objectif, mais l'occasion était trop belle. Une simple série d'explosions intimiderait certainement les vampires au point de provoquer la panique, mais pourquoi ne pas en profiter pour finir le travail ? De plus, de ce qu'Adrien avait compris, le bâtiment ne s'effondrerait pas sous le joug des explosifs. Pour lui, Code 111, quoique très bien orchestré, ne ressemblait qu'à un coup de semonce enflammé.

- Il y aura beaucoup de vampires et de leurs collaborateurs influents à ce bal. Il faut en tuer plus. Qu'aucun n'en ressorte.

Je parle ainsi par audace. J'avoue que je me fiche complètement des retombées économiques et politiques qui suivraient, et je sais que la possibilité que des innocents soient pris dans le massacre déplait quelque peu à mon interlocuteur. Mais pour moi, le plan est déjà accepté, mais je réclame ce petit bonus. Je ne suis pas un stratège hors pair, pourtant je sais que la pire des maladies de l'âme est la peur et que nous devons l'infliger à nos ennemis. Leur faire ressentir l'horreur de la colère humaine et du meurtre gratuit. Je passe pour un fou furieux à m'exprimer ainsi, mais je suis convaincu de la nécessité d'une surenchère au niveau de la violence.

- Je suis surpris de ne pas avoir entendu parler d'un groupe d'extermination. Le Clan semble s'être ramolli.

Je souris légèrement d'un rictus cruel, les vampires ne sont pas les seuls à avoir soif de sang. J'ai néanmoins l'impression d'irriter mon interlocuteur et je me reprends.

- Quoi qu'il en soit, je suivrais ton plan. Prends juste garde à ne pas me confier trop de tâches ingrates, je suis loin d'être qualifié pour faire la bonniche en face des dents-longues.

Je commence à le tutoyer, je sais que c'est provocateur, mais je ne tiens pas à jouer les larbins obéissants. Je suis plus expérimenté que lui et j'estime avoir le droit de m'adresser à lui comme à un enfant. Je ne reconnais pour l'instant que son ingéniosité stratégique, il me semble encore peut-être un peu trop doux, mais je ferais selon sa logique. Et puis après tout, c'est aussi une manière d'installer un climat d'entente et de familiarité et de tester le fameux sang-froid de Roch. Après qu'il ait répondu à mes questions, j'en pose une ultime par simple curiosité.

- Une dernière chose. Comment fera-t-on pour communiquer ?



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Roch-Elven

Roch-Elven

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MessageSujet: Re: [Résidences] {Equinoxe: Code 111}   [Résidences] {Equinoxe: Code 111} EmptySam 23 Juin - 15:46

-Bonj...

Roch avala la fin du mot, surpris par le comportement presque hostile du remplaçant de Babylas. Il savait que le bonhomme n'avait pas la réputation d'être aimable mais il ne s'attendait pas à un refus aussi net de sacrifier à un minimum de politesse. Du haut de son escabeau, il vit avec surprise le visiteur traverser la pièce sans même lui jeter un regard et, d'un geste décidé, fermer la radio qui jouait maintenant une adaptation de Blue Train. La voix de Julio Domingo ne valait pas le saxophone de John Coltrane et le néo-jazz avait ses limites, mais de là à s'autoriser un tel sans-gêne, il y avait une marge que le plus simple des savoir-vivre n'autorisait pas à franchir.. Il s'apprêtait à descendre de son perchoir pour accueillir l'envoyé d'Abel, mais il se retourne et s'asseoit sur la plate-forme du haut, tout en remarquant d'un ton placide:

-Vous n'aimez pas Julio Domingo ?

La réponse est immédiate et en dit long sur le personnage. Je n'aime pas le jazz . Et alors ?..Roch n'aime pas les malappris et les prétentieux qui se prennent pour la seule volonté présente. Et il se méfie des fanatiques qui voient rouge sitôt qu'un soupçon de vampire leur fait de l'ombre. Roch non plus n'aime pas les vampires et il veut aussi les voir disparaître de son horizon, mais pas au point d'en faire une religion. En fait, pour qu'il cesse de vouloir les tuer, il suffirait à ces ex-humains de renoncer à leurs mauvaises habitudes alimentaires. Il s'est aperçu, en mûrissant, que nombre d'entre eux échappent partiellement au stéréotype du monstre ne pensant qu'à jouer du croc en ricanant dans la nuit. Et puis, ils constituent d'excellents témoins du passé, des sortes de musées vivants, des patrimoines de l'humanité...Julio Domingo a réellement connu John Coltrane, mort voilà deux siècles et plus. Grâce à lui, on a gardé plusieurs de ses enregistrements d'époque et pu les rééditer,en moins bien et en plus cher, il est vrai. En fait c'est leur comportement tyrannique, donc destructeur, incarné dans la Couronne, qu'il hait le plus. Ils se prennent pour des dieux alors qu'ils ne sont que des déchets d'eux-mêmes, des restes humains, des.. calmons-nous ! On pourrait presque les plaindre, s'ils y mettaient un peu du leur. Le jour où ils accepteront tous de s'arracher les crocs chaque soir au réveil et de ne boire que du sang artificiel, Roch met sa dynamite au vestiaire.
Le contempteur du jazz, même néo, lui, a la haine totale et viscérale. Chacun son point de vue. Roch connaît l'espèce, qui se dévoue à un idéal surtout pour se sentir en droit d'empoisonner le monde. Mais il est peut-être trop sévère. Adrien Loir peut aussi donner cette image de lui-même tout simplement pour l'intimider..Ce ne serait pas très malin de se montrer désagréable au premier contact, juste parce qu'il n'aime pas Julio Domingo, vampire chantant. Or un imbécile ne fait pas long feu contre les Johnny Bloodsucker et Loir est quasiment un vétéran. Elevé dans le Clan, il a une vie entière d'appartenance à la cause. Autant ne pas s'embarrasser de sentiments envers un homme qui n'est là que pour exécuter une tâche et mieux vaut ignorer cet incident, dérisoire et puéril au regard de ce qui va se passer ce soir. Si Abel a choisi Adrien Loir, c'est qu'il le juge capable. Ensuite le gaillard a une solide réputation d'efficacité et de courage dans l'action. Roch veut bien travailler avec tous les psychopathes du monde s'ils savent dégommer convenablement du vampire et suivre un plan sans gêner les amis.
Ah ! Le butor se présente enfin ! Roch descend tranquillement de son escabeau, tournant le dos à son hôte, ce qui est aussi un moyen de ne plus le voir pendant quelques secondes et de commencer l'entretien dans la sérénité et l'esprit zen.

L'autre s'est assis dans le fauteuil, inspiré Jacobsen, si confortable qu'il se croit chez lui et met les pieds sur le guéridon laqué rouge, heureusement recouvert d'une toile, car Pascal Bruneau est un ouvrier consciencieux. Roch reste debout un instant, ce qui lui permet de contempler le haut du crâne d'Adrien, déjà un peu dégarni aux tempes. Il insiste même un peu, comme s'il y voyait une calvitie menaçante, des pellicules ou des hôtes indésirables, puis il détourne vite le regard comme gêné de son indiscrétion. Petite vengeance facile et sans conséquence.. Adrien Loir se moque bien du regard des autres. Roch tire une chaise de cuisine, la retourne et s'installe à califourchon en face de son collègue, tout en commençant à lui exposer le plan sans autre préambule. Comme ce plan est un vrai plan, avec des grands A et petits b),et pas seulement une vue de l'esprit qu'on essaie de faire comprendre à l'auditoire, Adrien écoute d'un air devenu plus humain. Un bon point pour lui. Il sait écouter et son regard froid est devenu alerte. S'il n'interrompt pas pour demander des explications, c'est qu'il n'en a pas besoin et se réserve pour les objections, qui ne vont pas manquer de suivre. Quelqu'un qui met les pieds sur la table ne doit pas non plus hésiter à les mettre dans le plat.. Roch résume au maximum les premières étapes accomplies, il n'y a plus à les juger, juste à les connaître et à en tenir compte. Il en arrive au présent et futur immédiat

-La fourgonnette arrive à cinq heures.En sortant d'ici, vous irez, sans votre casquette, au coin de la rue Cler et de la rue Bosquet, la rue, pas le boulevard. La fourgonnette vous prendra au passage après seize heures trente. A l'intérieur, vous vous changerez en déménageur. Outre Léo et Mac Cabe, il y aura deux gars de chez nous. On n'a droit qu'à une demi-heure de stationnement et c'est pour vous aider que je suis resté. Le problème sera la sortie. Le gardien ne doit pas se rendre compte que seuls deux déménageurs sont vraiment repartis au lieu des trois qu'il a vu arriver. Trois seulement car Léo est léger, on le passera dans le petit placard Ikéa . Et Mac Cabe est grand mais sec , on le passera dans la bonnetière. Heureusement, il n'y a pas de chien. Je détournerai l'attention du gardien ; on se boit souvent un petit bourbon ensemble .

Roch montra sa poche renflée d'une flasque :il n'aimait pas le whisky mais il faut consentir des sacrifices. Il poursuivit :

-Mirella arrivera en retard, juste à la fin et fera l'enquiquineuse. Le gardien ne pense qu'à loucher sur son décolleté . La fourgonnette disparue, Mirella me demandera de rester pour l'aider à placer ses meubles. La mère Odette est persuadée qu'elle couche avec moi et nous laissera tranquilles.

Adrien ne paraît pas du genre à lui demander si c'est vrai, que Mirella et lui.....ce que Roch apprécie.

-On sort les sacs chauffants, il y en a un paquet : trente poulardes prédécoupées et équipées ,et aussi nos costumes de service. On passe par les caves. On va tout placer dans un grand placard-cagibi désaffecté de l'arrière cuisine. On remet les briques et les pierres dans les trous et on les maquille avec l'enduit spécial vieilli mis au point par Dittersdorf, qui est vraiment un chimiste de première. Je veux laisser le moins d'indices sur notre manière de procéder et je tiens à ce que l'enquête soit longue. Ils mettront des jours à explorer les caves, l'enduit sera sec, d'autant que les cables électriques vont être endommagés par les explosions, entraînant des pannes tout autour... Mirella prévoit même de rédiger une plainte pour trouble du voisinage. Et puis la police scientifique n'est plus ce qu'elle a été. On peut aussi compter sur la lenteur des vampires quand il s'agit d'administration. Des types qui se réveillent quand les bureaux humains sont fermés..!..en plus, ils s'en foutent, car ils se croient les maîtres définitifs et on perd le sens de l'urgence quand on a plusieurs siècles devant soi.

Roch n'aime pas les digressions mais celle-ci peut être utile pour convaincre Adrien que, s'il écoute Julio Domingo, il ne trouve pas l'engeance particulièrement fascinante. Adrien n'approuve ni ne désapprouve. Il écoute. Roch lutte contre l'impression de repasser devant la commission d'entrée définitive au Clan..

-Après, commencera le service proprement dit. On entre dans le cagibi, on s'habille. Le fleuriste bidon et ses aides auront rajouté les fleurs dans leur petit container au milieu des gerbes. Les chariots prêts au service sont en partie stockés dans l'arrière cuisine où nos extras sont postés; ils n'ont pas eu de mal à se faire attribuer l'endroit : c'est le trajet le plus long pour aller à la salle à manger. Je passe sur le micmac qu'ils ont mis au point pour que ces chariots soient ceux destinés aux tables du gratin, côté vampire, et huiles, côté humain. Ça marche avec des numéros de table et de chariots. Mac Cabe reste dans le cagibi et règle les problèmes de connection avec les fleurs et les plats ; délicat . Mais c'est un chef en matière de transmissions et dedétonateurs miniaturisés. Il ne les règle définitivement qu'au départ des chariots apportant le plat principal. On ne peut savoir exactement le moment à l'avance. Il y a toujours des impondérables dans le déroulement d'un service.. Nos trois extras déjà en place nous aident à échanger les plats et on embarque à destination des tables de ces Messieurs-Dames, comme dit la concierge. En fait vous n'aurez qu'à nous suivre. On a quatre minutes pour servir nos bestiaux avant qu le premier coup de fourchette ne soit donné. Pas plus,et on compte sur la politesse qui fait attendre que tout le monde soit servi, au moins dans le carré des chefs. Nous, nous sommes au point, gràce à Babylas. Quand la guerre sera finie, on pourra tous se recycler dans la restauration. Si vous craignez de renverser la sauce, laissez -nous faire et ramenez les chariots délestés au fur et à mesure . On retourne aux cuisines sitôt la dernière poularde disposée Les fleurs sauteront en premier, suivies des poulardes. Le tout en moins d'une minute. Mac Cabe déclenche ensuite les bouquets de l'escalier principal et sort par la cuisine où nous et nos extras auront donné l'exemple de la panique dès les premières explosions, en nous cavalant par les portes de service avec le personnel. Derrière lui, Mac laisse une grosse charge incendiaire qui devrait pulvériser le cagibi,détruire nos sacs et nos fringues, et endommager le transfo de l'office. Il se tire aussi par le service. Chacun rentre dans sa planque personnelle ou rejoint le Clan selon sa filière habituelle avec les précautions d'usage.

L'objection part aussitôt. Adrien veut la peau de tous les vampires. Il ne veut pas de rescapés, il veut un groupe d'extermination des survivants. Roch s'y attendait un peu. Lui n'éprouve aucun plaisir à tuer, même les vampires, et il n'aime pas le sourire mauvais qui pointe au coin des lèvres d'Adrien ..un sourire de sadique, un sourire de bourreau, un sourire de vampire..Monsieur Adrien Loir n'a certainement pas besoin de gages pour être un tueur. Mais bon, chacun sa façon de se rendre utile....D'autant qu'il dit vouloir coopérer. C'est tout ce qu'on lui demande. Mais, avec sa réputation, il doit la trouver mauvaise de se retrouver à seulement jouer les déménageurs et pousser un chariot .. A moins que ..Abel aurait-il adjoint Adrien pour ajouter quelques têtes au tableau de chasse ?

-Vous pouvez toujours retourner dans la grande salle et achever quelques vampires insuffisamment tués. Mais si vous vous faites prendre...on compte sur vous pour avaler votre cyanure. Pas de prisonnier, même héroïque et muet : le silence aussi laisse des traces. Mais il faut mieux dix ou douze vampires morts et aucune perte pour le Clan que vingt -cinq sangsues écrasées et un seul mort parmi nous . Surtout quelqu'un comme vous, qui doit pouvoir encore en descendre quelques dizaines avant de prendre sa retraite. Nous aussi on a le temps...et si on court moins vite, on fait davantage de gosses que ces parasites.[

Adrien demande encore s'il y a des noms de code et si on sera armé. Il tutoie Roch qui a l'habitude et ne s'en formalise jamais, même s'il vouvoie quasiment tout le monde sauf les amis de son âge qui insistent pour lui dire tu.

-Pas de noms personnel.. On fait connaissance visuellement dans l'arrière cuisine avec les trois extras. On ne s'appelle pas et en tant que serveurs, on ne parle pas entre nous, sinon pour le service. On sert les tables avec les numéros sélectionnés par les extras et qui seront celles avec seulement des vampires ou des humains haut placés. Si vous avez un doute, vous vous essuyez légèrement la joue avec trois doigts et l'autre doit ajuster son noeud pap ou son revers de veste également avec trois doigts. En cas d'anicroche, on prévient les autres en laissant tomber un couvert; Léo file prévenir Mac Cabe qui appuie sur la commande générale . On ne sera pas dispersé. Le carré où nous servirons est relativement restreint. Comme nous quatre ne serons pas fouillés, vous pouvez être armé. Si vous avez des questions,on en parlera plus tard ici ou dans les caves.

Il faut que je reprenne le travail et c'est bientôt la fin des hurlements télévisés de Sue-Ellen ; partez si vous voulez échapper au café égyptien de la concierge, et souriez au gardien en sortant. Comme ça, il ne vous reconnaîta pas quand vous reviendrez avec les autres .

Roch-Elven se pencha et ralluma le poste .
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