Ce qui fut pris aux lépreux, aux lépreux sera rendu. Ou tout du moins c'est ce que l'on pourrait croire, tant est grande l'impression que l'Enclos St Laurent tombe en miette. De la splendide Gare de l'Est, fleuron du 19ème siècle, il ne reste de nos jours qu'un squelette. Trois voies rouillées sous un plafond de verre et de vent. Les quais autrefois rutilant sont maintenant vides et les fiers rails de métal gémissent sous la morsure des vieux trains rouillés. Elle est pourtant toujours en activité, proposant les rares métiers honnêtes du quartier, abritant les plus chanceux des sans-abris, les trafics en tout genre et quelques filles espérant troquer leurs charmes contre une vie loin de la ville et de ses pièges. Car malgré tout, l'Enclos St Laurent reste synonyme d'espoir. Et pour cause. C'est l'un des seuls trucs du coin qui fonctionne ! Enfin, quand la grève ne s'y met pas.

Lorsqu'une bâtisse tombe ou menace de s'écrouler, l'Etat dans sa bienveillance veille à retirer tout ce qui pourrait blesser ou être ré-utilisé/revendu par les riverains. Cela fait, il entoure le terrain d'une vague clôture de tôle et le tour est joué. La Chapelle est donc émaillée de ces Terrains Vagues, remplis de gravats et dans lesquels pourtant la nature tente de reprendre ses droits. Immenses décharges, planques pratiques, voir même terrain de camping pour certains, ils sont moins inhabités qu'ils aiment à le faire croire et deviennent souvent dangereux à la tombée de la nuit. Vampires perdus et vagabonds n'aiment pas que l'on vienne fouiner dans leurs affaires.

Tout le monde n'a pas la chance ou les moyens de se payer l'un des hôpitaux de la capitale. Surtout quand vos papiers ne sont plus tout à fait légaux (s'ils l'ont jamais été). Pour les perdus, les blessés et les malades que la fortune abandonne, il y a les dispensaires. Tenus le plus souvent par des bénévoles, des médecins peu regardant sur l'éthique et quelques très bons infirmiers voulant se sentir vraiment utiles, ces infirmeries de campagne manquent de moyens et de personnel pour être tout à fait efficaces. Les couloirs autrefois blancs sont zébrés de noir, les lampes souvent clignotantes, les chariots branlant et les salles d'attentes manquent de sièges. Partout, l'on sent le manque d'argent. C'est un décors de mauvais film d'horreur aux sanglots trop vrais mais cela reste malgré tout également un symbole d'espoir dans un quartier qui en contient bien trop peu.

Là encore, ce n'est pas parce que les entrepôts sont inoccupés qu'ils sont vide. Au contraire même, c'est ici que se tiennent trois fois par semaine les marchés non officiels de la capitale. Evidemment, les stands les plus luxueux se comportent d'une planche sur quatre cartons et pour beaucoup il ne s'agit que d'un drap posé en vitesse sur le sol mais les produits présentés et la foule qui s'y pressent donnent l'illusion d'un vrai marché à l'ancienne. Et lorsque la nuit tombe, emportant avec elle les âmes les plus pusillanimes, l'on peut voir sur le sol bétonné les ombres des piliers carrés qui se projettent au clair de lune. Papiers gras, cagots vides et mégots de cigarettes sont les témoins muets de cette vie qui s'est éteinte avec le jour. Car les fous qui oseraient fréquenter les entrepôts à la nuit tombés sont destinés à finir en casse-croûte pour vampires.

Les Logements de la Chapelle ne ressemblent pas à grand chose. Grands immeubles, hausmanniens pour la plupart ou mal imités pour les autres, ils s'alignent, indifférent autour des avenues, pompant toute la pollution et le bruit pour les rendre, déformés à l'intérieur des appartements. Pour la plupart des chanceux ayant trouvés un toit, il ne faut pas s'attendre à des miracles. Escaliers de bois pleins d'échardes, douches et toilettes souvent communes, rats et cafards font partie du quotidien. Cela dit, une bonne ménagère saura faire briller le lino et le formica, éradiquer les bestioles et rendre son chez-elle presque présentable. Dommage qu'elle ne puisse rien faire pour les voisins. Pour demander votre logement, c'est par ici