Si Marjorie semblait complètement détendue et avait suivi le déroulement des événements comme une scène de film au ralenti, quelque peu embuée dans les vapeurs d'alcool et accaparée par la proximité du jeune éphèbe du rock, les pensées de Flore en revanche, s'entrechoquaient dans sa tête comme des électrons fous. Elle essayait de remettre en place les pièces d'un puzzle volcanique en se demandant comment faire tourner les événements en sa faveur. Si elle était un peu en mal de maîtriser ses nerfs dans le travail quotidien auprès du leader de Zagiel, elle avait pourtant oublié d'être bête. Elle avait compris une chose: les deux femmes là, étaient une menace pour elle, ou du moins un embarras. Elle s'attendait à devoir supporter leur présence toute la soirée et à jouer les seconds fifres auprès des musiciens. Or voilà que le vent changeait. Tout le monde semblait se disputer avec tout le monde, et se reprocher de se connaître, hésiter entre rester et partir. Tout le monde excepté elle et Fooled qui gardait un flegme assez incroyable. Il parut un peu décontenancé par le départ intempestif de Stan mais écarta les mains comme pour dire " ben si tu dois aller prendre l'air, vas-y camarade! ". De toute façon, essayer de retenir le chanteur de Zagiel alors qu'il était dans cet état aurait été un peu vain. Probable que le blond l'avait senti ou ne voulait pas se mêler de cette embrouille dont il ne savait rien. La violoncelliste eut une petite moue mi dégoûtée mi amusée. C'était quand même terriblement désobligeant envers leur hôte, de la part de Constantin de quitter les lieux ainsi alors que l'after ne faisait que débuter. Tout ça pour quoi ? Apparemment Rein avait envoyé la brune dans le lit du chanteur. La belle affaire. Ce n'était pas la première fois. Sauf qu'apparemment, la fille avait pas dû voir les choses sous cet angle et que Stan ne voulait plus être "approvisionné " de la sorte. Bref, il devait y avoir un gros, très gros malentendu. C'était loufoque à bien y réfléchir. A une époque ça n'avait pas l'air de déranger Stan. Quelle mouche le piquait ? Et Rein avait l'air plutôt contrarié de la réaction de Stan et de la femme d'ailleurs. Il y avait anguille sous roche. Jamais elle n'avait vu son "patron" dans cet état, ni le manager qui, même s'il se contenait, avait le regard mauvais. Tout ça pour la brunette en rage ? Pour qui se prenait-elle ? Elle n'était pas la seule sur la place... Enfin, dans le fond cela arrangeait bien Flore si elle partait avec sa copine sous le bras. Elle aurait le champ libre avec Fooled. Voilà que Rein la prenait par le bras pour la conduire sur les traces du coléreux? Grand bien leur fasse. Et la blondinette ? Ahh voilà qu'elle semblait hésiter. Flore ne se démonta pas et se glissa de l'autre côté de Fooled.

-Stan est un peu impulsif mais j'espère que ça ne nous empêchera pas de rejouer ensemble.

Elle adressa un sourire enjôleur au beau blond en se collant à lui et réserva un rictus canin à Marjorie. Un sourire qui disait " J'aurai ma part aussi ".

Fooled ne sembla pas s'en plaindre. Deux jolies humaines chaleureuses et charmantes. Après tout pourquoi ne pas simplement en profiter et voir jusqu'où elles voudraient aller. Il n'avait pas pour habitude de tuer pour passer une bonne soirée et d'ailleurs cela était exclu du fait que l'une était un membre de Zagiel et l'autre l'amie de ... l'amie de Stan ... Fooled semblait un peu perplexe face aux réactions du trio partant mais avait pour habitude de ne pas trop se mêler des affaires de coeur ou de "moeurs" de ses amis ou connaissances tant que cela ne rejaillissait pas sur son établissement. Apparemment , ils allaient s'expliquer dehors et s'en mêler aurait été indiscret et mal venu. C'était une histoire interne à Zagiel, à eux de la démêler. Pendant ce temps, il prendrait soin des deux jeunes femmes. Il murmura dans l'oreille de chacune une proposition alléchante. Il leur suggérait de le suivre dans un salon privé. Flore avait bondi, un sourire aux lèvres, tandis que Marjorie semblait hésiter quelque peu, suivant du regard la silhouette d'Anke qui disparaissait dans la foule au côté de celle du manager. Flore la narguait ostensiblement.

- Ta copine a besoin de toi, tu crois ?




Toujours dans la rue, Constantin venait de finir sa cigarette et était déjà occupé à s'en rouler une autre. Il semblait que rien ne serait assez fort pour lui faire passer l'amertume qui s'insinuait dans son coeur. Les tourments roulaient dans son esprit, en tous sens. Chaque fois qu'il s'efforçait de se raisonner, le même constat revenait sans cesse. Rein et Anke se connaissaient. Et inévitablement, la même question en découlait. Depuis combien de temps ? Qu'étaient -ils l'un pour l'autre, ces deux allemands ? Pourquoi lui avoir caché se connaître? Anke devait bien s'être renseigné sur Zagiel et ses membres avant de venir à l'audition. Il lui paraissait improbable qu'ils ne se soient rencontrés qu'après et que Rein ne se soit pas vanté, si c'était le cas, d'être le manager d'un groupe à la renommée montante. Non, non, le plus probable était vraiment que ce satané Dunkel ait envoyé Anke le séduire. La question était, dans quel but ? Il ruminait, essayant d'échafauder des hypothèses toutes plus invraisemblables les unes que les autres ou au contraire toutes très crédibles suivant le point de vue sous lequel on se plaçait. Est- ce que Rein avait finalement décidé de se venger et d'utiliser les services d'une compatriote pour ce faire ? Anke était -elle un agent de la Couronne ayant convaincu Rein de collaborer pour espionner son "associé". Auquel cas, ils étaient bien peu discrets. Peu probable. Ou alors Anke était une aventurière qui s'était mise en tête de de séduire, une sorte de défi et elle avait peut-être séduit Rein avant ... Comment avait -elle pu paraître si sincère alors ? Peut-être s'était -elle joué de Rein aussi ? Il avait l'air si naturel et détendu en l'interpelant. C'était troublant en y songeant ...

Toutes ces questions se bousculaient dans son esprit alors qu'il s'était mis à arpenter l'arrière cour. Soudain un bruit derrière la porte de service attira son attention.


[HRP] Pnjisation de Fooled approuvé par sa joueuse qui reprendra le rp en cours de route. Anke , je te laisse exprimer le choix de Marjorie quant à l'invitation de Fooled dans ta réponse. Tu pourras dire que Fooled disparait avec Flore ou avec les deux. ^^

Le voyant essuyer son visage, Anke réalisa qu’elle jouait avec le feu. Si elle pouvait se permettre de ne pas avoir peur, il ne lui devait pourtant rien quant à son anonymat. La voix de l’officier allemand trancha avec le vacarme ambiant par son empreinte naturelle d’autorité mais il ne leva pas tant que ça le ton. Son regard profond ne reflétait que de sombres promesses, il était dangereux et il le savait. Il sembla se réjouir un instant devant la fonction qu’il assumait enfin en plein jour, plus satisfait encore en voyant que cela la contrariait. Anke avait repris de la distance, il était important qu’elle ne lui laisse pas l’opportunité de l’effleurer mais grand bien lui fasse, il s’approcha pour l’empêcher de s’éloigner et se saisit de son bras avec fermeté. Elle aurait pu le repousser mais jamais une humaine ne l’aurait fait et jamais avec autant de force que sa colère immortelle lui assurait. Elle gigota tant bien que mal mais ne se résolut pas à le projeter contre un mur et finit par se laisser conduire en oubliant presque vers qui ils se dirigeaient tous deux.

Marjorie était largement envoutée par la magie vampirique qui émanait de Fooled mais lorsqu’elle aperçut Anke qui s’éloignait, un léger rosé d’émotion lui monta aux joues. Elle savait que son amie pouvait se défendre seule mais voilà qu’à présent elle était elle aussi… seule. Les murmures du vampire la firent succomber encore un peu mais lorsqu’ils se levèrent pour changer de lieu, la violoncelliste sous un bras, la petite blonde hésita. Elle regarda dans la direction qui avait vu partir les trois vampires avant de retrouver le visage tout aussi rassurant qu’aguicheur du chanteur de Coke. Elle savait ce qu’elle avait le droit de faire, de dire, non il ne pourrait rien lui arriver. Elle se leva à son tour et passa son bras autour de la taille de Fooled avant d’accorder un sourire moqueur à la musicienne.

-Je préfère faire plus amples connaissances avec vous deux… elle vola un baiser à Fooled avant de jouer avec une mèche de cheveux de la violoncelliste agacée.

Le trio quitta alors le salon, Marjorie pauvre humaine, était dans tous ses émois, un chanteur si craquant qui voulait bien d’elle et une Flore qu’elle admirait aussi… un parfait instant en perspective et ce, même si sa colocataire n’approuverait rien.

Plus loin, Reinhart trimbala Anke sans ménagement dans un couloir étroit en direction de la cour extérieure. Elle sentait encore le parfum du beau brun, il était passé par ici. L’allemand ouvrit brutalement la porte et la poussa vers l’extérieur, la musicienne fut surprise qu’il la traite soudain comme une vampire alors qu’il avait fait attention à ne pas la trahir jusqu’alors et percuta le premier des murs tout en se reprenant. Une humaine en aurait certainement eu l’épaule cassée mais elle, n’en aurait rien. Elle se redressa et se retourna vivement défiant d’un regard l’allemand d’avancer alors que lui, contemplait son chanteur qui roulait une cigarette. Anke avait du mal à calmer sa tension et son souffle. Constantin ne levait pas la tête sur elle, trop absorbé par ses réflexions ou son orgueil…

La violoncelliste sentit Reinhart la regarder de nouveau, il l’invita, d’un signe de tête à prendre la parole. Elle trouva cela tout à fait déplacé.

-Tu…Elle se perdit dans ses mots, elle ne savait pas par quoi commencer elle avait envie de hurler dans tous les sens c’était absurde.

-Est-ce que c’est lui qui t’a dit où me trouver ? C’est lui qui t’a conduit à l’Opéra c’est ça ? Comment peux-tu me prendre pour une… Raaaa !!!! Elle avait fait plusieurs pas et revenait sur eux. Elle articulait dans un souffle fort, caractéristique d’une femme énervée, comme si son cœur palpitait avec la faiblesse des sentiments humains, comme si elle avait besoin d’air. Elle pointa un index vindicatif sur l’allemand décidée à l’accuser.

-C’est non. Je refuse n’importe quel contrat si c’est avec lui. C’est un.. c’est un… Comment as-tu pu croire que j’avais un quelconque lien avec lui ! Tu me dégoutes ! Elle ne cacha pas la peine qui l’habitait en ces quelques mots puis se reprit, avec un semblant de dignité.

-Quant à toi, je ne veux plus jamais que tu m’adresses la parole et encore moins en public. Ce n’est pas parce que je ne t’ai pas tué que l’envie m’est passée !

Oui, il se montait un peu brutal avec elle. Mais Anke n'avait-elle pas cherché à faire preuve d'une certaine supériorité en lui crachant à la figure. Ce n'était pas comme s'il avait reçu une gifle, mais à bien y regarder, c'était tout comme. A la différence qu'elle n'avait pas eu un coup de retour. Provoquer Reinhart devant les autres avait été une erreur et il se demandait encore pourquoi il n'avait pas pris un malin plaisir à la ridiculiser à son tour devant les autres. Mieux, devant sa jeune amie. Ne cherchait-elle pas à rester humaine aux yeux de cette dernière ? Douce ironie. Il aurait vraiment dû y songer, cela aurait été trop drôle. Il verrait pour se venger de cet affront plus tard. La bousculer un peu lui suffit, même si le regard courroucé de la jeune femme n'était pas aussi savoureux qu'il ne le pensait. Car... avec Constantin, il fallait s'attendre à tout. S'il avait prévenu Reinhart de sa rencontre avec cette garce aussi ! Ses manies de tout garder pour lui ! Cette fois, c'était entièrement de sa faute et pas de la sienne. Il entendait bien l'argumenter de la sorte

Quand ils furent devant le chanteur, le manager ne fut pas étonné de le voir presque dans un état de songes profonds. Rien qu'à voir sa froideur de toute à l'heure, il devait se poser milles questions. Et là, il risquait d'être comme le Vésuve : d'éclater un grand coup. Si Reinhart se loupait, ne serait-ce que d'un mot, il allait vraiment morfler. Il darda un regard vide d'émotions sur Constantin, avant d'adresser un signe d'invitation à Anke de prendre la première la parole. Elle était le pivot de ce noeud à problèmes non ?

Les nerfs à fleur de peau, Anke tenta un début de phrase... Un début de regret ? Non, elle sentait trop la tension. Elle aussi allait être sous le coup de la colère. Nul doute que cela allait faire des étincelles. Et avec le chanteur qui semblait presque prostré dans une profonde mélancolie, comme si toute la misère du monde lui tombait violemment sur les épaules.... Pathétique. Par contre, quand elle réussit à délier sa langue, il manqua d'en afficher un sourire narquois. Décidément, il en apprenait des choses d'un seul coup.

Il se contenta ensuite de sourire quand elle le pointa du doigt, tout en continuant ses vaines explications envers Constantin. Il y avait vraiment de quoi en rire. Et quand elle eut fini son discours, il appuya une épaule contre le mur et croisa les bras.

"C'est bon tu as fini ? C'est merveilleux ce qui se passe entre vous deux. J'aurai bien voulu être UN PEU au courant de cette affaire de contrat ! "

Il allait se montrer un peu mordant

"Déjà pour commencer, je ne la connais que d'une rencontre de hasard sans plus ! Ensuite tu te montes tout un cinéma par ce détour de malchance ? C'est vraiment pathétique de penser tout de suite ce genre de choses ! D'habitude tu raisonnes mieux que cela Constantin ! Alors ne me fais pas passer pour le fautif veux-tu ! "

Puis il adressa un regard glacial en coin à Anke

"Quand à toi, je te parlerai que tu le veuilles ou non. Je n'ai pas à recevoir d'ordres de ta bouche. Je n'étais au courant de rien. Règle cela avec lui. Et tu as de la chance que je t'ai pas humiliée devant toutes ces personnes présentes... Plus encore devant ta copine. Quelle tête aurait-elle tiré si j'avais dit la vérité à ton égard hum ? "

Constantin se tourna vers la porte de secours d'où provenait les bruits et les vit tous deux dans la petite cour. L'unique réverbère fiché au mur projetait une lumière blafarde sur les protagonistes. Il jugula sa souffrance pour les observer comme à travers un voile translucide. Il tira encore sur sa cigarette illicite et poussa un profond soupir. La tension entre Anke et Reinhart était palpable. Il devait se gainer pour sa part dans la dignité. Il allait leur demander posément pourquoi ils venaient le harceler jusqu'ici, pourquoi ils ne l'ignoraient pas simplement, reprenant à l'intérieur du club, leur relation là où ils l'avaient laissée mais il trouva lui-même la réponse à sa question. Il y avait le domaine professionnel en cause et tous deux voulaient sans doute savoir à quoi s'en tenir. Pourtant la question d'Anke lui glaça le sang. Il s'adossa au mur, comme étourdi par l'injustice des mots, replia une jambe et appuya son pied d'un air faussement désinvolte contre le mur.

- Tu plaisantes, je suppose ? J'allais régulièrement chaque jeudi à l'opéra pour y saisir l'atmosphère, l'acoustique, y répéter. Peux-tu prétendre que ta venue sur la scène n'était pas exceptionnelle, unique ce soir là ? Tu étais inscrite sur le planning, certes. Mais cela signifie-t-il que c'était une habitude pour toi ? Rein sait très bien que je suis obligé de m'organiser pour faire face à mes obligations. Il connait mon emploi du temps. En revanche, s'il connait le tien, il ne me l'a jamais communiqué. Quant à te prendre ... pour ce que tu oses imaginer, si tu crois que je me comporte avec la première venue comme je me suis comporté avec toi, je n'ai plus rien à ajouter.

Il détendit sa jambe et donna un coup de pied rageur dans une canette de verre qui trainait par terre. La bouteille siffla en s'envolant et un bruit de verre brisé se fit entendre e l'autre côté de la rue, au delà du mur d'enceinte. Il fixa le ciel étoilé puis revint sur la silhouette d'Anke qui allait et venait pour finalement pointer un doigt accusateur sur Dunkel. Voilà qu'elle niait avoir un lien avec lui à présent et prétendait refuser tout contrat l'incluant. Il murmura froidement.

- Prétends-tu ne pas connaitre Reinhart ?Il semble fort bien te connaître pourtant ...

Pourtant, il fut stoppé dans son élan par la diatribe de la jeune femme qui lui demandait de ne plus s'adresser à elle en public. Piqué au vif, il en prit note et se tourna alors vers son manager.

- Reinhart, je n'allais pas te mettre au courant d'une chose encore incertaine. Or, il semblerait que cette demoiselle ne soit absolument pas certaine de vouloir jouer dans Zagiel. Sans doute manquons-nous de talent à ses yeux ou sommes-nous trop insupportables. J'attendais que l'affaire fut scellée pour t'en informer. N'est ce pas ainsi convenu ? Tu as la partie financière et contractuelle et je m'occupe du domaine artistique. Je n'allais pas donner congé à Flore sans être certain d'avoir trouvé la personne convenant même si nous sommes enfin tombés d'accord ce soir sur le constat que l'association avec cette écervelée ne pouvait plus durer. Je n'avais pas attendu une situation de crise pour envisager son remplacement, tu t'en doutes.

Le vampire fronça les sourcils en écoutant les explications de Reinhart, son poing se serrant convulsivement. Machinalement il le porta à sa bouche comme pour se retenir de crier puis l'ouvrant, se passa la main dans les cheveux.

- Vous prétendez me faire croire que vous ignoriez ce que vous étiez chacun par rapport à moi ? Rein, je ne cache pas le nom de mon manager, je crois. Chaque personne écoutant notre musique ou venant à nos concerts peut sans souci le savoir. Donc mademoiselle Rosenbaum, ici présente, se serait présentée pour une audition sans s'être renseignée auparavant ? Comprenez que je sois étonné ...

Il s'efforça de garder son calme en roulant une énième cigarette puis l'alluma avant de laisser son regard aller de l'un à l'autre des protagonistes.

- Fort bien, comment vous êtes vous rencontrés? J'attends ... J'exige des explications. Lâcha-t-il d'une voix tranchante.

Il tira une bouffée sur sa tige et contra la protestation qui risquait de fuser.

- Je me fous bien de préserver ma voix Rein, elle en a vu d'autres... J'ignore à qui elle a demandé de ne plus lui parler au final mais toi, raconte-moi donc par quel formidable hasard tu connais ou as rencontré celle que j' ... enfin comment cela s'est produit. Finit -il par dire sèchement.

Il se décolla du mur et fondit sur Rein, empoignant le col de son manteau de sa main libre et le serrant pour le secouer et l'obliger à parler.

- Je te promets que si tu m'as trahi, je finirais ce que je n'ai pas fini il y a quelques siècles. Je te laisse la chance de t'expliquer, use la à bon escient. Tâche d'être convainquant. Pourquoi ne veut-elle pas signer avec nous , avec toi ? N'êtes- vous pas arrivés à vous accorder sur mon dos ? Eructa Constantin les yeux étincelants de colère en resserrant sa poigne sur le cou de l'allemand.

Reinhart avait cette insolence crédible et détestable qui lui rappelait avec douleur l’allure des officiers que son père avait fréquentés. Etait-ce le jeu de son esprit ou est-ce qu’il portait vraiment sur ce visage allemand, cette aura maléfique et insatiable ? L’homme de Constantin souriait, écoutait, s’imprégnait des mots de la femme comme s’il trouvait des armes pour plus tard et cela glaça le sang de la vampire. Est-ce qu’elle avait bien fait de s’adresser à Constantin comme si ce traitre n’était pas là ? Le blond n’était pourtant pas si confiant lorsqu’il prit la peine de s’adresser à son tour à son employeur. Visiblement, il craignait le chanteur avec assez de sérieux pour en oublier la jubilation furtive de ses découvertes.

Constantin prit alors la parole et ne cacha pas sa colère. Anke frémit de le voir soudain si sévère avec elle. Il se fit aisément passer pour l’esprit malmené de l’affaire, se défendant de la légitimité de sa présence en jouant la carte de l’habitué. Il ne réussit pourtant pas à concevoir de l’avoir traitée comme une putain et parce qu’il n’arriva pas même à le formuler, elle en fut profondément soulagée. Il frappa dans une bouteille avec violence mais elle ne sursauta pas, elle était comme calmée par la simple révélation qu’elle avait entrevue aux travers des lignes…

Reinhart répondit à la ballerine avec véhémence. Il lui était sans doute intolérable qu’une femme lui parle de cette façon, à moins qu’il cherche à s’assurer du peu de pouvoir qu’il avait encore… Peut-être avait-il compris que la relation entre les deux autres était un peu plus profonde qu’une simple affaire d’un soir… Le manager évoqua son comportement magnanime, ne pas l’avoir humiliée, ne pas l’avoir démasquée.. elle lui était redevable en effet mais il était hors de question de le lui accorder. Parce qu’elle lui avait interdit de lui parler, elle détourna le visage, refusant de lui répondre et de lui donner plus de matière pour l’enfoncer. Elle croisa alors le regard tendu de son ancien amant avant qu’il ne se tourne vers son associé, l’accusant de mentir, les mettant dans le même sac. Anke retint un petit sourire en coin, l’allemand était déstabilisé, il n’avait pas plus de prise qu’elle sur le chanteur et pire encore, il n’aimait qu’elle et elle l’avait entendu. Pourtant, rien n’était gagné et elle ne supporta pas d’être de trop près assimilé à cette ordure.

-Je ne…

Elle ne finit pas sa phrase, Constantin ne semblait plus faire attention à elle. Il posait parfois ses prunelles jusque sur sa petite silhouette mais elle voyait que la colère montait encore et encore. Il répondait à son collaborateur avec une voix de plus en plus tranchante et tira sur sa cigarette sans vraiment laisser de temps aux deux protagonistes d’intervenir. Soudain, le vampire empoigna l’allemand avec une force démesurée et la rage semblait le transformer en un autre homme. Anke en fut un instant terrifiée, tétanisée elle n’osa pas bouger. Constantin craignait que Dunkel ne l’ait trahi, pouvait-il avoir plus mal à cause de lui qu’à cause d’elle ? Elle ne voulait pas sauver la pomme de ce nazi mais elle ne pouvait le laisser le tuer sans avoir eu le temps de s’expliquer. S’il ne la croyait pas le seul témoin ne pourrait plus parler.. c’était tellement idiot ! Pourtant de le voir à la merci du roumain, elle se sentit presque vengée… Elle se décida à faire un pas en leur direction bien qu’elle reste à très bonne distance.

-Je ne le connaissais pas. Je n’ai jamais retenu son nom. Il me l’a donné oui c’était au début de l’hiver. Je n’ai pas imaginé qu’il puisse avoir un rapport avec toi, je ne me suis pas renseignée sur le groupe… J’y suis allée pour Marjorie… Elle avait un de tes disques mais je ne l’avais même pas écouté. Tu m’avais laissé une si mauvaise impression à l’Opéra.

Elle s’approcha d’un pas encore et regarda l’allemand avec un immense mépris.

-Il… Il est venu pour chasser. Il a voulu prendre Marjorie mais… il m’a sentie et il…

Elle serra les dents alors que la tension montait en elle. Il ne pouvait rien lui arriver Constantin le tenait et il ne le laisserait pas faire. Elle s’adressa au manager avec défi.

-Oui raconte lui ! Je préfère que cela sorte d’entre tes lèvres, il y a des mots qu’une femme ne devrait jamais avoir à prononcer.

Reinhart connaissait assez Constantin pour savoir que la pression était vraiment à son comble. Il aurait pu très bien partir pour ne pas avoir affaire avec eux, mais au lieu de cela, il répliquait. Quand il avait levé le poing, le serrant avec hargne, c'était là un signe évident. Mais le manager n'allait pas reculer, même s'il se tendait lui aussi. La peur ? Possible, mais elle n'était que de passage éphémère alors. Et quand le chanteur entama une nouvelle cigarette, là où il allait protester, ce n'était pour sa fichue voix ! Il connaissait les capacités de ce vampire là. Quelques jours et cela passerait. Mais bien entendu, il n'eut pas le temps de s'expliquer. Constantin était déjà sur lui.

Pour une poigne d'énervé, on pouvait dire que le chanteur n'avait pas la main légère. reinhart sentit bien qu'un rien, de par la volonté du chanteur suffirait à lui broyer la nuque. et pas qu'en gros morceaux ; vraiment en miette. Sous cette action un peu déstabilisante, il en avait écarquillé les yeux, portant inutilement ses mains sur les poignets de Constantin, écoutant en plissant son regard glacial ses accusations. Lui trahir ? Mais il avait mis quoi dans son tabac ?

Là où ce fut encore plus navrant, ce fut à l'intervention d'Anke. D'un regard en biais, il la toisa presque. Comme si elle avait besoin de venir à son secours maintenant. Espérait-elle aoir des remerciements s'il échappait à la fureur du rockeur... Garce, voila ce qu'il pensait ; ou alors en prenant les devants, espérait-elle ne pas subir son sort en donnant les explications ? En même temps, parlant la première, il serait aisé à Constantin de ne pas croire son manager, pensant à la complicité dans la prétendue traîtrise.

Il tenta de parler malgré l'enserrement de sa gorge et plongea son regard arrogant dans celui de Constantin. S'il pensait qu'il allait exprimer sa peur devant lui....

"Tu deviens parano mon cher.... A cause d'elle tu penses de suite à la traîtrise ! Je crois encore avoir le droit de chasser dans Paris aux dernières nouvelles ! J'ai pas demandé à la croiser, le hasard s'en est mêlé de lui-même, plus encore quand tu as commencé à faire affaire avec elle. Comme elle le dit, je chassais et je l'ai croisé elle avec ses deux amis. Ca te va comme cela "

Même s'il tenait toujours et fortement les poignets de son agresseur, même si c'était futile, il lui adressa un sourire assez ironique.

"La trahison... Je pense que si je l'avais vraiment voulu, je ne serai pas là à discuter avec toi d'une affaire de coeur épleuré ! Même si c'est moi qui rêve par moment de t'étrangler quand tu as tes accès de fureur inutile, je pense assez te connaître pour savoir comme tu réagis ! N'aurai-je pas employer quelqu'un d'autres pour faire de la sale besogne ? "

Son sourire s'étendit encore plus. Il jouait dans la provocation et il l'assumait, même si cela risquait d'énerver plus encore Constantin.

"Si tu crois que je vais te demander pitié, tu te trompes. Tue-moi si la réponse ne te convient pas ! Ah si je puis me permettre une chose. Les affaires romanesques ne te vont pas... C'est parce que tu ressens des choses pour celle-là n'est-ce pas ? "

Au moins il eut la décence de se retenir de rire. Pitoyable ! Il accorda un autre regard à Anke ; elle, elle aurait sa part plus tard

Les mots des deux protagonistes s'entrechoquaient dans l'esprit troublé de Constantin. Il y perçut une âme un peu désemparée face à lui. Il avait laissé parler sa colère, pour la première fois devant Anke. Jamais, même lorsqu'elle lui avait tiré dessus dans la volonté clairement affichée de le tuer, il n'avait perdu le contrôle à ce point. Mais alors, il n'avait pas encore pris conscience de ce qu'il éprouvait réellement envers la ballerine. Il oeuvrait pour l'avoir et supporter la douleur lui avait semblé un juste sacrifice pour faire un pas dans sa direction. Ce soir, tout était différent. Il pensait qu'elle avait cédé à un autre, que peut-être elle se jouait de lui avec cet autre... Qui était son manager. Il se demanda alors ce qu'il éprouvait pour ce vampire qui avait appartenu au camp ennemi. Il y avait des siècles de cela, les deux hommes face à face se seraient battus à mort, enfin les deux vampires. Ils se seraient sans doute jetés l'un contre l'autre jusqu'à l'issue fatale pour l'un d'entre eux. Seulement le destin en avait décidé autrement. Reinhart avait involontairement aidé Stan à faire sauter ce hangar en créant une diversion dont il faisait les frais et le vampire, sensible au vieil adage, les ennemis de tes ennemis sont, au moins pour un temps, tes alliés, lui avait laissé la vie sauve sans pour autant le secourir vraiment. Il avait laissé le hasard décider. Et ce hasard les avait remis en présence des siècles plus tard . Ils auraient pu s'entretuer à nouveau mais au lieu de cela un étrange pacte avait été conclu, comme si chacun d'eux voulait oublier le passé pour mieux recommencer à vivre. Depuis, ils avaient unis leurs forces dans une même volonté: faire grandir Zagiel et à travers lui, faire vivre leur passion de la musique. Finalement, cela avait été assez fort pour passer sur le ressentiment passé et l'ensevelir sous une chape de béton. Et voici que l'arrivée d'Anke entre eux, faisait fissurer le mur de neutralité, les amertumes ensevelies. Il n'avait jamais eu de raison de douter de la loyauté de Dunkel envers son groupe et par là même envers lui mais une femme se dressait entre eux et tout était remis en question.

Anke brossait de l'allemand un portrait de prédateur qui avait croisé sa route par hasard un soir d'hiver. Cela correspondait complètement à ce que Stan connaissait de son manager sur le plan privé. Un chasseur, un être aux aguets. Comment pourrait-il condamner cela, lui qui était aussi un traqueur d'âmes humaines potentiellement nourrissantes. Pourtant, ce schéma de compréhension et de magnanimité trouvait ses limites lorsqu'il s'agissait de Anke. L'idée même qu'un autre puisse convoiter celle qu'il voulait pour lui était insupportable. Cela aurait peut-être dû le flatter. Avoir une femme désirable par d'autres est pour la plupart des mâles une preuve de bon goût et de supériorité lorsque celle-ci vous choisit et uniquement vous. Seulement voilà, IL l'avait choisi elle mais n'était absolument pas certain de la réciprocité de la chose. Rien ne lui permettait d'être certain d'une constance de sentiments qu'il avait eu du mal à faire émerger chez la ballerine. Après tout, elle l'avait méprisé, repoussé, malmené, avait voulu sa mort, avant de lui céder. Quelle facette était la vraie Anke ? Celle qui se méfiait de lui, ne voyait qu'un être inintéressant et repoussant en lui ou celle qui se montrait si nerveuse face à sa colère, celle qui se tenait devant lui ? Il tourna sa fureur et sa douleur vers Reinhart mais le regard déterminé qu'il croisa lui coupa l'élan. Il devait tenter d'écouter les explications. Marjorie avait l'air de se porter comme un charme et il n'avait rien senti de l'aura vampirique de Dunkel sur elle, mais bien le parfum de celle qu'il aimait, ce qu'il avait compris comme une sorte de marque de protection. Reinhart n'avait donc rien fait à l'humaine mais le trouble d'Anke lorsqu'elle évoquait la rencontre avec le manager l'alarmait plus que tout. Il s'efforça d'écouter l'allemand sans lui briser le cou. En y réfléchissant bien, que pouvait-il reprocher à son manager ? Il avait croisé la ballerine avant lui, l'avait sans doute prise pour une humaine.

Il relâcha la pression pour donner l'illusion à l'allemand qu'il se calmait mais le prit par les épaules pour le plaquer au mur.

- Ecoute bien ce que je vais te dire maintenant, Reinhart. Je ne le dirai qu'une fois. Je te connais assez pour savoir que tu n'aimes pas qu'une proie t'échappe, quelle qu'elle soit. Je peux le comprendre. Je suis de la même trempe. Pourtant, en ce qui la concerne, tu vas oublier... Elle est hors course en ce qui te concerne. Elle a été très claire à ce sujet.

Le manager avait un air inquiétant, un rictus qui disait que personne ne pouvait lui dicter sa conduite dans ses affaires personnelles. Constantin le plaqua au mur.

- Elle choisit ses amants. Quiconque la contraindra aura à en répondre devant moi. Que tu sois mon manager, quelqu'un que j'estime malgré notre passé litigieux, ne change rien à l'affaire. La seule chose qui te sauve ce soir, c'est que je comprends dans vos propos que le hasard est seul en cause dans cette histoire. Si tu tentes de la posséder encore, ce ne sera plus un hasard et ... tu mourras...

Il jeta un regard triste à Anke. Un regard qui avouait toute sa détresse d'imaginer ce qui avait pu se passer entre les deux. Avait-elle finalement cédé à la force de l'ancien officier allemand ? Il savait qu'elle pouvait se défendre mais face à Dunkel, avait -elle une chance de résister à ses assauts ? Il savait que lui aurait pu la posséder par la force même si cette perspective lui donnait la nausée. Il avait pris des femmes sans leur demander leur avis, le plus souvent avant de les vider de leur sang mais jamais il n'aurait pu le concevoir sur Anke. Mais Reinhart était loin d'éprouver ce que lui éprouvait pour la jeune femme et ne se serait pas arrêté à un refus. Il mesura quels monstres ils étaient tous deux et cela lui souleva le coeur. Toutes les femmes qu'ils avaient prises de force et tuées étaient probablement aimées d'autres personnes. Il entrevit ce que ces personnes avaient du éprouver et pour la première fois, il regretta d'être ce qu'il était. La dernière phrase de son manager le hérissa.

- Je crois au contraire qu'être amoureux me va très bien et c'est mon affaire, cela m'appartient. Il arrive toujours un moment où il faut se remettre en question. Je crois que tu devrais aussi. Regarde autour de toi ... Fooled par exemple, est de notre nature et pourtant, il a suivi un autre mode de vie. Il ne prend pas de force, il séduit . Je ne doute pas que tu sois désiré par certaines, alors pourquoi ne pas t'en tenir à elles ?

Le manager le toisait de ses yeux sombres qui semblaient lui dire que personne n'avait à lui donner l'autorisation pour prendre une vie ou un corps. Constantin eut un sourire à glacer le sang.

- Je crois savoir ce que tu penses, Rein. Mais permets moi de te dire que n'avoir pas senti qu'elle était des nôtres est la marque que ta frénésie de posséder et de chasser t'aveugle parfois. Un jour tu tomberas sur plus fort que toi et tu le paieras cher. N'oublie pas que cela pourrait t'arriver avec moi...

Il se tut un instant, conscient d'avoir dévoilé beaucoup de ses sentiments, positifs ou négatifs.

- Quant à être parano, j'ai des raisons de croire que la Couronne me surveille et ne me veut pas que du bien. Je ne m'alarme pas mais je suis vigilant. Méfie-toi de ne pas provoquer leur colère alors si tu n'as rien à voir avec eux. Ils n'aiment pas trop que l'ont saigne les vampires... Que dire de cette espèce de menace que tu effleures ? Envoyer quelqu'un faire la sale besogne ? J'ai justement cru que tu avais envoyé Anke pour me flinguer et elle a bien failli réussir. Me séduire ensuite et succomber à mes charmes aurait été une façon de rester proche de moi pour finir le travail.

Il relâcha son manager et s'éloigna dans l'ombre.

- Quoiqu'il en soit, même si vous êtes de mèche, même si vous me jouez une scène digne des plus grands comédiens, et je finirai par le savoir, soyez-en certains, je ne suis pas prêt à en faire pâtir mon groupe et les projets que j'ai en cours. Je ne souhaite pas renoncer à notre collaboration Rein, ni à t'engager, Anke. Puisque nous savons tous trois à quoi nous en tenir au sujet des autres... Et puis comme le dit l'adage, si tu veux vivre vieux, surveille tes ennemis de loin mais garde tes "amis" tout près de toi.

Il avait conscience de jouer avec le feu, même si son instinct lui disait qu'Anke et Reinhart ne mentaient pas. Il avait pour habitude de s'y fier mais cela lui avait parfois joué des tours. Peu importait, il avait besoin de Rein pour mener ses affaires. Une simple mise au point de temps en temps permettrait de le mettre au pli. Quant à renoncer à Anke, plus il y songeait et plus l'idée lui paraissait impossible.


[HRP] J'ai un peu pnjisé Reinhart. Ne pas hésiter à me signaler si cela n'est pas bien fait. J'éditerai selon tes souhaits.

Reinhart eut un regard fort peu encourageant à son égard mais elle ne s’en formalisa pas. Il mesurait aisément que ce qui animait les deux musiciens lui couterait cher en cas de faux pas de sa part et il lui était peu envisageable de jouer de quelques courbettes pour s’en tirer. L’allemand ne fit pas le plaisir à Anke de dévoiler toute la scène selon sa vision des choses et il ne retint que le principal, ne voulant souligner aux yeux du chanteur que ce qu’il était en mesure d’entendre. La ballerine sentit sa mâchoire se crisper, elle lui vouait une profonde haine et s’il n’avait pas été si fort.. oh oui s’il ne l’avait été, elle s’en serait déjà débarrassé.

Le nazi se défendait en la rabaissant elle, il la méprisait et ne le cachait en rien. Anke fronça le front un peu surprise de prendre comme une attaque le fait qu’elle ne ressemble pas à un tueur à gage. Il était plus qu’évident qu’elle n’avait rien en commun avec ces gens là. Elle n’était qu’une artiste, elle n’aimait pas le conflit et pire encore, éviter largement les différents avec ses congénères. La femme sentit soudain une pointe de douleur lorsque le soldat émit l’idée qu’elle ne convenait pas à Constantin… Que pouvait-il en savoir cet idiot ? Il pouvait bien la jauger sur mille plans, il ne connaissait rien d’elle, ne pouvait certainement pas imaginer ce qui se passait entre eux. Elle baissa la tête confuse car au fond, elle non plus n’en avait plus aucune idée.

Lorsqu’elle releva la tête, Reinhart en profita pour achever ses propos en dardant la violoncelliste d’un regard pesant. Elle aurait pu le craindre, mais elle ne se permettrait pas de lui montrer. Un léger filet d’angoisse la gagna et aurait bien encouragé sa fuite, la persuadant de les laisser à jamais mais Constantin ne sembla pas bien heureux de la tournure des évènements. Savait-il qu’elle aurait préféré disparaître plutôt que de se sentir traquée? Le roumain avait repris de son ascendance sur le manager et lui suggérait alors une liste de comportements plutôt clairs à adopter. Anke fut d’abord surprise par l’intonation autoritaire de Constantin puis, ce fut l’éclat de certains mots comme « proie » qui la laissèrent perplexe. Est-ce qu’elle était une proie pour lui aussi? L’angoisse prenait une nouvelle dimension qu’elle n’avait pas du tout envie de mesurer et elle recula contre le mur de la cour pour se donner un peu de courage.

Enfin, le vieux vampire témoigna avec violence ce qu’il avait compris malgré le jeu silencieux du fourbe. Il n’avait pas été dupe et l’idée qu’elle appartienne à un autre le révulsait… Elle fut alors touchée par son aveu, il acceptait de la laisser, si c’était là son choix à elle, mais ne souffrirait pas que l’on lui impose quoi que ce soit… C’était beau.. c’était..un gage d’amour assez peu courant et assez insolite en ce genre de situations. Constantin lui adressa une œillade douloureuse et elle en fut déchirée. Ses joues se teintèrent alors légèrement bien que le halo pâle n’en pâtisse pas vraiment. Est-ce qu’il savait qu’il les exposait autant? Elle pouvait peut-être feindre de pleurer, cela condamnerait probablement le blond sur le champ... Mais s'il n'en était rien, Constantin verrait peut-être dans son jeu. Elle était une femme, elle ne pouvait pas se débarrasser de n'importe qui... Avoir un ancien prêt à défendre son honneur ce n'était pas une chose si banale...mais elle n'était pas prête à se servir du roumain. Elle tenait encore bien trop à lui.

Le chanteur poursuivit sans pudeur pour répondre à son homologue. Il avouait être amoureux, il avouait tellement plus encore. Anke en était purement pétrifiée, incapable de lui répondre quoi que ce soit comme de lui dire de se taire. Elle se maudit d'avoir pensé un instant à le tromper, à abuser de lui. Elle craignait tant que le défi puisse grandir aux yeux de l’allemand trop attentif de l’intérêt de Constantin pour la vampire. Elle redoutait qu’il préfère s’amuser avec elle, elle le sentait… c’était tellement prévisible. Elle aurait alors voulu renier son amour pour lui juste sous les yeux de ce nazi pour que celui-ci ait moins de prise sur son collaborateur mais elle n’y arrivait pas. Constantin s’était offert sans retenu, il était bien difficile de le renvoyer dans son camp, par mensonge pour juste sauver sa peau d’artiste errante, effrayée. Pourtant dans son esprit tout était clair, une multitude de petites voix lui hurlait de fuir, de ne plus revoir Constantin, de ne plus penser à ce groupe, de déménager, de repartir ailleurs, en Italie peut-être? Elle s’efforça de garder son calme, se montrer trop ébranlée aurait attisé le chasseur et cela n’aurait servi personne.

Constantin était revenu sur le propos du groupe, il ne voulait se séparer d’aucun des deux, mais Anke ne pouvait toujours rien accepter. Si la première des retenues frôlait l’incompatibilité d’humeur avec Constantin, la seconde lui semblait dorénavant bien plus sérieuse. Elle n’arrivait à quitter des yeux son amant, est-ce qu’il savait à quel point cela lui coûterait? Que l’allemand lui empoisonnerait l’esprit à son sujet? Elle lui parlerait. Oui un jour… si le chanteur n’avait pas préféré d’ici là la tuer à cause de l’autre trop persuasif… Se défiler ferait trop plaisir au bougre et lui donnerait du crédit. Elle optait pour l’heure de croire à la crainte que lui inspirait Constantin, il se tiendrait tranquille.. oui.. sauf si la « proie » avait gagné en saveur.

-Ecoutez… je crois.. que je n’aurais pas du venir. Je n’aime pas les histoires…

Elle ne voulait détourner les yeux de son sauveur et ne s’adressait qu’à lui. Elle était forte par son âge mais elle restait une petite nature. La voie de la survie avait toujours été celle de la prudence, cela ne pouvait leur échapper. On ne vivait pas longtemps en cherchant querelle partout... non, pas pour une vampire comme elle. C'était sa façon de faire, et ce depuis bien longtemps...

-Je vais réfléchir… le dernier élément… à mon grand regret n’a rien d’insignifiant…

Elle lança un petit regard en coin en direction du blond avant de retrouver le gris apaisant du musicien. Elle le trouva beau et eut envie de le prendre dans ses bras pour lui témoigner sa gratitude et lui confier sa peur mais ce n’était pas le bon moment. Malgré ce qu’il pensait, elle ne pouvait compter sur lui pour se protéger et il aurait été absurde de se croire hors de danger parce qu’il avait levé la voix. Un nazi n’était pas une espèce ordinaire et elle était bien placée pour le savoir.

-Je dois retrouver mon amie… C’est plein de vampires par ici.. Elle s’efforça de sourire comme pour leur signifier qu’elle préférait retrouver son rôle de jeune innocente. Anke se détacha enfin du mur et contourna les deux vampires pour s’approcher de la porte de service. Elle s’arrêta sur le seuil pour regarder Constantin. Appelle-moi.

Elle regagna l’établissement à la recherche de son amie pour retrouver le chemin de leur appartement.



HRP : Fini pour moi ^^

Quand le chanteur relâcha la prise, ce fut presque un soulagement, mais il en était loin d'en avoir fini avec lui. Stan le plaqua contre le mur et lui expliqua clairement les choses comme elle devait être. Bien entendu, cela ne fut guère du goût de l'ancien nazi, qui cherchait à faire comprendre rien qu'à sa grimace qu'il n'aimait pas cette autorité. Constantin le connaissait assez bien pour le plaquer plus fortement contre le mur. Lui non plus n'aimait pas la résistance quand il faisait sa crise d'autorité.

Le reste du discours du rockeur fut tout aussi pathétique et plus intéressant à la foi, donnant un frisson de défi à Reinhart. De quel droit lui interdisait-on de tuer des autres vampires ? Si Stan redoutait un peu la Couronne, il n'allait pas empêcher son manager de se défendre si besoin était. Et était-ce de sa faute si Anke avait senti l'humaine au début ? Quand on chasse, on va pas demander à sa future victime si elle était vampire ou humaine. A eux de faire attention non ? Pour ces gens qui aimaient fréquenter le bétail... Plus encore quand ces derniers ne connaissaient pas la nature véritable de leur fréquentation vampirique... Comme si d'être un vampire pour être un ami avec les humains étaient une tare. Manquait plus que de se rabaisser à eux pour trouver un côté social à sa vie d'immortel...

Quand le chanteur décida enfin de le lâcher, Reinhart remit son col en place. Il aimait garder une certaine prestance, même dans des tensions pareilles. S'il avait eu un coeur, il serait en train de battre de toute cette pression. Peut-être qu'il avait été à deux doigts de se faire étriper par Constantin, mais quand même... Par contre, ce qu'il avait au travers de la gorge était qu'il avait été accusé d'avoir envoyé Anke faire une sale besogne. Lui engager quelqu'un pour le tuer ? Mais il devenait plus que parano.

Son regard gris se posa sur la jeune femme qui semblait un peu perdue. Anke se retirait et disait qu'elle allait rejoindre ses amies, parlant un peu comme une humaine. A force de se comporter comme eux, on en retrouvait les habitudes de parler. En même temps, elle allait réfléchir quand à la proposition de Stan... Rhâ les femmes ! Et dire qu'il s'était donné la peine de l'amener là pour régler ses différents avec Constantin, pour mieux ramasser la fureur du chanteur. Manquait plus que cela tiens. Mine de rien, il était un parfait tampon. Les amours transis ! Quelle horreur.

Quand elle les quitta pour de bon, Reinhart posa son regard plissé sur la haute silhouette de Stan, coincée dans l'ombre de son recoin de boudeur.

"C'est bon tu t'es bien défoulé ? Et pour en revenir à tes dernières répliques... Si je ressens le besoin de te tuer, je n'userai pas d'intermédiaire ! Je ne suis pas un lâche pour avoir recours à ce genre de procéder. Si un jour, et espérons que cela n'arriva pas, j'estime devoir te tuer, je le ferai de mes mains, tu m'entends ! "

Il soupira, en cherchant à se prendre une cigarette. Quand il vit son paquet vide, il grogna en allemand et le jeta par-dessus son épaule.

"En attendant, que je vive vieux ou courtement, cela ne va pas payer les factures. Si tu me le permets, je retourne à l'intérieur pour commencer à régler la paperasse."

Et il se retourna, faisant dos à Stan pour repartir au club